ThéâtreL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Julie Artacho (Jade Barshee) et Brian Pelchat (Véro Lachance)
Jade, Véro, quel plaisir de vous recevoir pour cette entrevue! Ça s’annonce riche et… dynamique! Jade tu es co-fondatrice de la compagnie Théâtre Everest avec ta sœur, Chloé ! Toi, Véro, tu es un∙e artiste multidisciplinaire, mais pas que: tu travailles avec des compagnies de théâtre, en plus d’organiser des ateliers pour les jeunes. Et tu performes aussi, sur scène, avec ton personnage de drag king, Lau D’Arta. Alors, on y va avec un tour de table pour se présenter? Qui commence?
J. B.: «Salut! Moi c’est Jade Barshee, je suis une des moitiés de Théâtre Everest. L’autre moitié est ma sœur Chloé! On a cofondé la compagnie en 2016 et on en partage la direction artistique. Au sein de Théâtre Everest, pour ma part, je touche à la mise en scène, à l’écriture, à la production et à l’interprétation. Ma pratique artistique s’articule particulièrement autour du théâtre de création. Je dirais même que c’est ma maison artistique dominante, ascendant création collective. Au niveau du travail, ma zone de confort se trouve dans la collaboration, l’échange et le foisonnement des cerveaux qui créent ensemble.»
«Sinon, je suis capricorne, ascendant scorpion. Ma lune est en verseau et manger est l’une de mes activités favorites!»
V. L.: «Alors, je suis Véro Lachance, je suis d’ascendance majoritairement française. J’ai grandi à Sherbrooke sur le territoire non cédé de la nation Abénaki et j’ai étudié à l’UQAM en jeu. Après ma graduation, j’ai travaillé à Tio’Tia:ke / Montréal dans le milieu du théâtre (surtout de création) et un peu de la télévision. En 2017, j’ai choisi de déménager à Whitehorse, sur le territoire traditionnel du conseil Ta’an Kwäch’än et de la nation Kwanlin Dün.»
«Là-bas, je travaille avec les compagnies théâtrales locales, j’enseigne et je performe aussi sur la scène drag locale.»
Si on a cette opportunité de vous jaser aujourd’hui, c’est que du 30 novembre au 9 décembre, le Théâtre Aux Écuries ouvre ses portes afin de présenter au public montréalais le spectacle Dernière frontière, un projet initialement pensé par toi, Véro, et qui a vu le jour en 2020, avec ce désir de «traiter de la romantisation du Yukon [qui incarne le grand rêve nordique] par les personnes nouvellement arrivées sur le territoire». D’où t’est venue l’idée de parler de ce sujet en particulier et d’imaginer une œuvre qui allait prendre vie sur scène?
V. L.: «C’est vraiment venu au moment où je me suis rendu compte que la plupart des œuvres francophones que je connaissais et qui parlaient du Yukon ont été créées par des personnes qui ont passé un très bref moment sur le territoire. Quand je parle de très bref, c’est maximum un an. C’était des œuvres que je voyais être largement publiées dans le milieu francophone et, bien que ces dernières parlent évidemment d’une vérité, je trouvais qu’il manquait une complexité de perspective qui est, peut-être, plus facile à percevoir lorsque tu habites à plus long terme sur le territoire…»
«Je voulais donc contribuer à apporter des perspectives complémentaires à cette vision qui, je l’espère, pourra créer de nouvelles nuances. Je pense qu’en 2023 on peut toujours louanger la beauté des paysages, mais il faut quand même réfléchir à notre impact en tant que settler sur le territoire.»
Avant sa création au Festival Pivot de Whitehorse en janvier 2023, Dernière frontière, qui en était encore à ses balbutiements à cette époque pas si lointaine, a connu bon nombre d’étapes de développement entre le Yukon et le Québec, avant d’être le spectacle à la fois sérieux et déjanté que nos lecteurs et lectrices auront la chance de voir très prochainement. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette proposition multidisciplinaire, chez Théâtre Everest, pour que vous ayez l’envie de collaborer au succès de ce projet?
J. B.: «Quand Véro nous a approchées, Chloé et moi, pour qu’on l’accompagne à travers les étapes de création de ce spectacle, c’est arrivé à un moment où nous étions justement en train de développer une nouvelle création avec Théâtre Everest et dans laquelle nous voulions traiter de notre relation au territoire.»
«On avait fait une résidence de création où nous étions sorties en nous disant que notre thème était trop large et qu’il nous manquait un angle d’attaque. Alors, quand Véro nous a parlé de notre vision romantique de la nordicité, du rapport entre les différentes communautés au Yukon, des contradictions du discours des settlers sur le territoire, on s’est dit que là, il y avait vraiment une matière riche à la création!»
«Par la suite, il était certain que nous allions aborder la création de façon multidisciplinaire, puisque nous avons créé une équipe venant de toutes sortes de disciplines (drag, burlesque, musique, etc.) et nous voulions travailler en embrassant cette riche diversité de pratiques.»
V. L.: «Je voulais faire un spectacle multidisciplinaire en français, parce que je n’avais encore jamais vu ça au Yukon. Je voulais que ce dernier soit avant tout pour la francophonie yukonnaise, tout en ayant une résonance aussi pour la communauté francophone du Québec. Mais le défi de créer en français, au théâtre et au Yukon, est réel.»
«Il était vraiment important de faire un travail de longue haleine, avec des réflexions profondes, et de laisser du temps entre les étapes de travail afin de pouvoir rencontrer plusieurs personnes et entendre différentes perspectives face aux questions qu’on soulève.»
«J’ai rencontré Chloé Barshee à l’UQAM. Je savais qu’elle avait fondé une compagnie de théâtre après l’école avec sa sœur, Jade, et j’aimais beaucoup leur processus de création. Travailler avec elles m’a donné l’opportunité d’entretenir un dialogue, mais surtout elles m’ont aidé à mettre en forme une vision que je n’aurais pas été capable de faire seul∙e. J’ai toujours préféré le travail d’équipe, parce que, selon moi, ça permet d’apporter différentes perspectives, notamment sur nos vécus, nos identités… Et c’est pour ça que j’avais vraiment envie de travailler avec elles!»
«Ensemble, on a pu aller en profondeur dans notre processus de recherche, et même bien plus loin que ce que je n’aurais jamais imaginé. Alors je trouve ça extraordinaire.»
Sur scène, Dernière frontière réunit plusieurs artistes francophones issu∙e∙s du Québec et du Yukon qui livreront, tour à tour, des témoignages et des histoires, afin «de démystifier avec humour, sensibilité et dérision notre rapport romantique à la nordicité. Ils, elles et iels le font par une série de tableaux qui marient plusieurs disciplines, théâtre d’ombres, drag, vidéoprojection et musique live». Allez, dites-nous-en plus sur ce qui nous attend, et plongez-nous donc dans l’ambiance de votre spectacle, comme si nous y étions!
V. L.: «Il y a un côté très cabaret dans la formule du spectacle (je pense que cet aspect-là vient définitivement de l’influence yukonnaise) et il y a un côté aussi très autodérisoire également. On y retrouve beaucoup d’humour, mais qui vient quand même avec des réflexions très profondes. Des vérités intimes côtoient le grotesque.»
J. B.: «Je suis totalement d’accord avec Véro. Je pense que la meilleure façon de se préparer au spectacle en tant que public, c’est d’y aller avec la même ouverture et curiosité que lorsqu’on va assister à un cabaret. Il y aura une multitude de numéros qui reflètent la personnalité et le talent des artistes qui les performent. Nous passons de scènes déjantées, avec des costumes flamboyants et des numéros de danse, à des scènes plus intimes qui se rapprochent du théâtre documentaire, à du théâtre d’image avec de la projection vidéo et des textes plus poétiques.»
«Donc, on se promène beaucoup, mais on est toujours liés par le thème principal de la relation des humains avec le territoire, notamment le Yukon.»
À tour de rôle, dites-nous donc avec quelles émotions les gens de la salle repartiront de la salle, un coup le rideau retombé? Après ça, plus personne ne voudra rater ce spectacle!
J. B.: «Je pense que l’effet que le spectacle fait sur les gens est vraiment différent selon leur identité et leur rapport au territoire. Mais je crois que notre objectif est de pousser le public dans leur réflexion face à la responsabilité individuelle et collective que nous avons face à nos communautés et aux terres que nous habitons.»
«Dans Dernière frontière, nous proposons des pistes de réflexion et présentons des pointes d’iceberg, donc nous espérons que les gens sortiront du spectacle avec la curiosité et l’envie d’approfondir ces sujets dans leur vie, et ce, selon leur capacité et leur intersectionnalité. Je pense aussi que les gens sortent généralement de la représentation avec un sourire aux lèvres, avec l’impression d’avoir passé un moment agréable et divertissant, tout en étant profond et touchant.»
V. L.: «Pour ma part, j’ai de la difficulté à anticiper la réaction des spectateur·trice·s, mais j’ai vraiment hâte de voir comment ils·elles réagiront!»
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*Cet article a été produit en collaboration avec Théâtre Aux Écuries.
Le spectacle «Dernière frontière» en images
Par Erik Pinkerton