ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : David Ospina
Pièce en cinq actes, Châteaux du ciel se situe au XIXe siècle et nous présente l’ascension au trône de Louis de Wittelsbach (Ludwig), jusqu’à sa destitution et sa mort dans des circonstances pour le moins étranges.
Cette histoire vraie fait revivre sur scène, pour notre plus grand plaisir, des célébrités historiques telles que le compositeur Richard Wagner (Daniel Parent), la cousine de Ludwig, l’impératrice Sissi et sa sœur Sophie, celle-ci étant promise en mariage à Ludwig.
Mary-Lee Picknell incarne les deux personnages féminins, la première, mature et inquiète au sujet de son cousin, l’autre, coquine et exaltée, s’acharnant à charmer Ludwig.
D’entrée de jeu, le ton est classique et funeste. Dans le rôle de la tante Alexandra, Annick Bergeron apparait sur scène, vêtue d’une robe noire rappelant une tenue destinée à des obsèques. Singulière narratrice, elle déclame chacun des actes par leurs titres en situant l’action dans son contexte.
Ainsi, une malédiction plane au-dessus de cette famille royale. Otto, le frère de Ludwig, traumatisé par les horreurs de la guerre qu’il a lui-même perpétrées, sombre dans la folie. Alexandra, aux prises avec une obsession nommée «l’illusion de verre», croit qu’elle a avalé un piano de verre.
Décidément, toute la lignée semblait atteinte de démence.
Un Louis II bien défendu par Dany Boudreault
Dany Boudreault, à qui on a récemment parlé pour Je t’écris au milieu d’un bel orage, incarne avec nuance un jeune roi rêveur éperdument épris de beauté et grugé par sa quête d’absolu. Un roi trop jeune pour gouverner, dont les idéaux n’allaient pas dans le sens de la guerre et de la politique du chancelier Bismarck, mais devant lesquelles il se résignait pourtant.
Il ressemble comme deux gouttes d’eau à un petit prince naïf amoureux des épopées médiévales, devenu soudainement un adulte aigri. On pourrait le croire avide de luxure avec ses lubies de châteaux. Toutefois, sa quête de beauté a laissé un lègue architectural important et impressionnant en Allemagne.
Les châteaux qu’il a fait bâtir demeurent aujourd’hui des lieux touristiques réputés.
C’est dans cette optique que l’on peut apprécier non seulement la pièce, mais le personnage tantôt séducteur, tantôt intransigeant, à l’égard de la cour, mais particulièrement envers Paul Von Thurn (Mikhaïl Ahooja), son aide de camp. Une relation tumultueuse et secrète, emplie de non-dits, se dessine entre les deux hommes.
L’homosexualité étant tabou à cette époque, le roi essaie en vain de refouler ses désirs, le menant à se retirer dans ses fastueux châteaux, isolé du «monde réel».
Une mise en scène classico-romantique
La scénographie d’Odile Gamache nous transporte dans un palais grandiose où se dressent d’immenses colonnes descendant du plafond. À l’arrière-scène, une rampe en angle sur laquelle les personnages défilent produit l’effet escompté, celui d’illustrer les rapports d’opposition et de domination.
La facture visuelle est vraiment réussie! On peut imaginer ces châteaux luxueux où la décoration était confiée au même scénographe qui construisait les décors des opéras de Wagner. Car oui, Ludwig vivait sa passion du théâtre et des opéras jusque dans la conception de son royaume.
Ceci dit, côté mise en scène, j’ai dû attendre le troisième acte afin de plonger au cœur d’une proposition moins classique, voire moins plaquée, c’est-à-dire où l’on n’assiste pas seulement à des déplacements calculés ainsi qu’à un feu roulant d’entrées et de sorties sur scène.
Ainsi, au troisième acte, les personnages se délectent d’un opéra de Wagner. La lumière bascule dans des teintes de rouge incandescent. La musique du compositeur s’élève. Les mains de Ludwig et de Sophie s’enlacent; elle, éprise de lui, lui, épris d’opéra. Le reste de la cour est assis derrière. On est soudain habités par les épanchements de Ludwig pour l’art.
Il y a une beauté hors du commun dans ce tableau visuellement très fort.
D’ailleurs, les apparitions de Richard Wagner, campées par Daniel Parent, sont cocasses et toujours assorties d’humour. L’acteur à la tignasse en bataille incarne un homme profiteur et manipulateur qui essaie de soutirer des sommes exorbitantes au roi dans le but de faire construire des théâtres où il produira ses créations. Ses apparitions ajoutent un peu de légèreté à ce récit somme toute tragique.
Pour conclure, je vous recommande d’abord de vous intéresser à la vie du roi Louis II avant de vous plonger dans cette proposition du Théâtre Denise-Pelletier. C’est un objet théâtral certes colossal, mais accessible et vraiment intéressant d’un point de vue historique. La performance de Dany Boudreault et la langue poétique de Marie-Claude Verdier valent à elles seules le déplacement!
La pièce «Châteaux du ciel» en images
Par David Ospina
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de la rédaction