LittératureL'entrevue éclair avec
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Gaston, c’est un plaisir de discuter avec vous! Pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas (encore!), pouvez-vous nous parler de vos aspirations de jeunesse, ces fondations qui ont été au cœur de la personne que vous êtes devenue aujourd’hui?
«J’ai commencé mon cours classique à La Pocatière en 1961, sans trop réfléchir sur ce que je ferais plus tard. J’avais des parents qui me voyaient sûrement avec une soutane, mais ce sont les mathématiques qui ont orienté ma vocation: pas de «problèmes» avec celles du secondaire (algèbre, trigonométrie, géométrie plane ou analytique), mais celles du collégial m’ont rebuté. Sans maths, l’université me fermait la porte des sciences sociales, mais un excellent professeur d’histoire m’a attiré vers cette discipline et la suite (licence, maîtrise, etc.) a confirmé que c’était finalement un bon “choix”».
«Issu d’une famille fortement impliquée dans le mouvement coopératif, je me suis attaqué à l’histoire de ce dernier (un champ d’études à peu près désert à cette époque) en maîtrise, et ensuite dans un début de doctorat qui portait précisément sur les sociétés de secours mutuels, premières manifestations du coopératisme au XIXe siècle. J’ai abandonné mon projet de thèse après la scolarité, vers le milieu des années 1980, devant la difficulté de concilier des études supérieures avec mon travail dans un tout autre domaine intellectuel.»
Ce n’est pas un secret pour personne: vous avez été historien à l’Assemblée nationale pendant 30 ans. Rappelons que celle-ci «joue un rôle de premier plan dans la recherche en histoire parlementaire et politique du Québec». Parlez-nous plus précisément du rôle que vous y avez joué, mais aussi des tâches que vous aviez à accomplir dans votre quotidien.
«Après quatre ans aux Communications, j’ai dirigé des équipes de recherche multidisciplinaires pendant plus de 25 ans, d’abord au sein de la Bibliothèque, puis dans la Direction des études documentaires. Notre rôle premier était d’assister les parlementaires dans leurs fonctions, de leur préparer de la documentation, des analyses, voire des discours, sur de multiples sujets. Mon équipe agissait aussi comme soutien pour tout ce qui touchait l’histoire du Parlement, laquelle qui était encore passablement «pleine de trous» à l’époque où je suis arrivé à la Bibliothèque: des travaux étaient en cours et le mouvement s’est accéléré.»
«Le Bicentenaire, en 1992, a donné lieu à plusieurs publications, dont une nouvelle édition du dictionnaire biographique des parlementaires et des brochures sur l’histoire, la chronologie et la terminologie du Parlement. C’était l’époque du papier! Ces contenus ont ensuite servi à nourrir la section «Histoire» du site Internet de l’Assemblée nationale.»
«J’ai aussi été co-auteur de deux ouvrages de prestige sur le Parlement et j’ai signé, dans le Bulletin de la Bibliothèque, plusieurs articles réunis dans un recueil après ma retraite.»
En parallèle de vos activités professionnelles, et plus récemment durant votre retraite — active, mentionnons-le! — vous avez publié de nombreux ouvrages à saveur historique, dont L’Année des Anglais, Les Origines littéraires de la Côte-du-Sud, Les Voyageurs d’autrefois sur la Côte-du-Sud, Le mouvement patriote sur la Côte-du-Sud et Curiosités de la Côte-du-Sud. On sent un profond attachement à la Côte-du-Sud, non? Allez, dites-nous tout!
«Au milieu des années 1970, j’étais très engagé dans mon travail à l’Assemblée nationale, il n’était pas encore question de doctorat. Je n’avais pas de plan et tout s’est enchaîné de façon imprévue. En 1976, on me demande de rédiger un aperçu de l’histoire de ma paroisse, Saint-Jean-Port-Joli, pour l’album du tricentenaire. Je suis surpris de voir qu’il n’y a à peu près rien d’écrit sur ma région à l’époque de la Conquête.»
«Quelques années plus tard, je découvre un rapport militaire qui sert de base à L’Année des Anglais en 1988. Une équipe travaille alors à la rédaction d’une synthèse d’histoire de la région; on me confie la préparation d’un dossier sur la littérature, ce qui me permettra de publier Les Origines littéraires de la Côte-du-Sud puis Les Voyageurs d’autrefois.»
«Lancée en 1993, la synthèse d’histoire était bien laconique au sujet des événements de 1775-1776 et de 1837-1838 sur la Côte-du-Sud, ce qui m’a incité à m’y intéresser — à travers bien d’autres choses… — et de réussir finalement à publier Le mouvement patriote et Un pays rebelle, mon onzième livre sur ma paroisse ou ma région depuis 40 ans.»
«Un attachement qui ressemble à une obsession!»
Le 7 février, les éditions du Septentrion ont levé le voile sur votre tout nouvel essai, Un pays rebelle: La Côte-du-Sud et la guerre de l’Indépendance américaine, «la première étude consacrée exclusivement à la réaction de l’ensemble de la Côte-du-Sud à l’invasion des insurgés américains». Quel éclairage nouveau cet ouvrage apporte-t-il? On veut tout savoir!
«On dit généralement que les Canadiens (i.e. les habitants de souche française de la province de Québec) sont restés neutres et fermés aux demandes d’appui du congrès des Colonies-Unies et qu’ils ont ainsi contribué à garder la province sous domination britannique.»
«Dans le cas de la Côte-du-Sud, il faut parler au moins de «neutralité participative» (expression de Pierre Monette): quand les troupes de Montgomery et d’Arnold ont essayé de prendre Québec en 1775, les gens de la Côte-du-Sud ont refusé de se mobiliser pour les Britanniques, car ils étaient très majoritairement favorables aux insurgés; ils n’ont pas pris les armes (sauf une centaine) aux côtés de ces derniers, mais ont tout fait pour leur faciliter les choses pendant toute la durée du siège.»
«La Côte-du-Sud avait deux zélés recruteurs des insurgés, soit Pierre Ayotte, de Kamouraska, et Clément Gosselin, de La Pocatière. Mes recherches ont permis d’en savoir davantage sur le rôle de ce dernier dans la guerre de l’Indépendance et d’identifier une quinzaine d’autres Sudcôtois qui ont aussi poursuivi le combat avec les Américains, certains jusqu’en 1783.»
Et par curiosité, avez-vous déjà l’esprit occupé par un nouveau thème historique que vous n’avez toujours pas exploré à ce jour? Dites-nous comment vous allez occuper ces prochains mois. À une prochaine!
«Après deux livres en moins d’un an, je vais peut-être prendre une pause, mais j’ai encore quelques projets dans mes cartons. Le plus mûr est probablement l’histoire de la famille Harrower que je documente depuis plus de 40 ans.»
«Ce sont trois Écossais (David, Robert et Charles) qui ont possédé une distillerie à Saint-Jean-Port-Joli pendant le premier tiers du XIXe siècle. Ils exploitaient aussi le moulin à farine et le moulin à scie des Aubert de Gaspé. La mort des deux premiers a marqué le début des revers de fortune et des mésaventures de cette famille aisée. Le plus jeune, Charles, a échoué ensuite dans l’exploitation forestière, les fils de Robert aussi. Un seul de ces derniers (fonctionnaire) s’est marié, il n’a eu que deux garçons (un commerçant de fournitures de bureau et un électricien), dont un seul s’est marié, mais n’a pas laissé de descendance. Il était chauffeur de camion dans la seconde partie du XXe siècle.»
«Il est possible aussi que je réunisse prochainement, dans un livre sur Saint-Jean-Port-Joli, une vingtaine d’articles publiés çà et là et une dizaine d’inédits.»