SortiesConcerts
Crédit photo : Mathieu Pothier
The Hubert Lenoir trio
Sur la scène du Gesù, un piano à queue, un synthétiseur, un saxophone, un micro, un tabouret et un verre d’eau étaient les seuls indices qui pouvaient aider la foule intriguée à savoir à quel genre de spectacle elle allait assister, la description de l’événement ayant visiblement piqué la curiosité de plusieurs: «Le public doit être prêt à en prendre, et à en donner aussi […] Le quatrième mur s’effondre, s’efface, et laisse place à des rencontres inespérées, des relations éphémères, des soirées qu’on se raconte longtemps, mais qu’on ne vit qu’une seule fois!»
Pour cette soirée bien spéciale, Hubert Lenoir avait donc décidé de performer en compagnie de seulement deux musiciens plutôt qu’avec ses huit complices habituels. Ainsi, Gabriel Desjardins et Félix Petit, que l’on connaît aussi pour avoir réalisé l’album Crash des Louanges, se sont installés respectivement derrière le piano et le saxophone vers 22 h 45.
Hubert Lenoir n’a pas tardé à faire son apparition et, ensemble, ils ont entonné «It Could Happen to You», un standard américain qui a été repris par de grands noms du jazz comme Jo Stafford, Tony Bennett, Nat King Cole, Miles Davis, Chet Baker et maintenant… The Hubert Lenoir trio!
Accompagné de ses deux talentueux musiciens et de sa voix à tout casser, Hubert Chiasson, de son vrai nom, a pris le temps d’expliquer le concept d’un tel spectacle, avec des sièges assignés. Il a précisé que l’idée lui était venue après avoir offert un concert similaire lors de sa tournée en France en janvier dernier. «T’sé, faire un show rock assis, ça suck!» Lenoir et son équipe avaient alors décidé de rendre cette formule «assise» la plus agréable possible, et le tout avait été «un triomphe».
«J’ai voulu reproduire ça à Montréal», a-t-il raconté. «Vous assistez à quelque chose d’unique! J’adore chanter, alors, ce soir, on va juste chanter et être là, ensemble.»
Et s’il s’y mettait, au jazz?
C’est bien ce que Hubert Lenoir a semblé faire dimanche soir lorsqu’il a interprété sa reprise de Jean-Pierre Ferland, «Si on s’y mettait», qui figure sur son premier album Darlène. La foule n’a pas tardé à chanter avec lui, agréablement surprise par les arrangements jazz lorsqu’il a enchaîné avec le début de «Tout écartillé» de Robert Charlebois. Puis, il a habilement glissé vers sa populaire et plus récente «OCTEMBRE».
Vêtu de son costume de jazzman, le jeune chanteur, bien connu pour ses provocantes apparitions en public et ses revendications identitaires, a surpris la foule avec un conformisme coquet qu’on ne lui connaissait pas.
Les versions plus douces et plus minimalistes de ses pièces ont permis à ses musiciens de briller, notamment sur «J.-C.», lors de laquelle le public n’a pas tardé à les accompagner en tapant des mains.
Et c’est après la reprise de «My Funny Valentine» de Chet Baker (en compagnie de la chanteuse Nadia Hawa Baldé qui a émergé de la foule) et de «This Guy’s in Love With You» de Burt Bacharach que les inspirations résolument jazz de son premier album ont alors pris tout leur sens.
Une soirée épurée et intime
Fidèle à lui-même, Hubert Lenoir a tout de même pris soin de ponctuer son spectacle d’interactions avec la foule en invitant les spectateurs et spectatrices à remplir les sièges qui étaient restés vides, malgré une soirée à guichet fermé afin que tous profitent au mieux de la performance. Le quatrième mur ainsi brisé, l’artiste a semblé perdre de plus en plus de son exubérance habituelle au profit d’une performance moins «maquillée» et plus intime.
Le tempo toujours descendu d’un cran, il a par la suite enchaîné avec des chansons de son dernier album telles que «SECRET», «HULA HOOP», «DIMANCHE SOIR» et «QUATRE-QUARTS», et ce n’est que lors de «Recommencer» que la foule s’est enfin déhanchée, elle qui semblait s’attendre à une soirée plus explosive, à en croire les nombreux va-et-vient qui trahissaient une certaine impatience, voire une lassitude.
Certes, c’était une formule bien différente des performances auxquelles il nous a habitués, mais cette sorte de mise à nue n’était pas à négliger pour autant. Le public a pu découvrir un Baronbandit plus vrai, plus raw, plus posé et qui a épaté la galerie avec des prouesses vocales mises de l’avant par l’épuration des instruments.
«Fille de personne II», considérée comme sa meilleure sans être sa préférée, a été jouée en rappel et se prêtait très bien à cette formule davantage «assagie».
Lenoir a ensuite mis le point final à son concert avec une pièce qu’il ne joue que rarement sur scène, «f.p.b.», une chanson beaucoup plus sombre qu’il a écrite lors d’une période de sa vie où «ça allait vraiment pas bien», la dédiant à Noémie D. Leclerc, sa meilleure amie et complice, sans qui «[il] ne serai[t] pas là aujourd’hui.»
La soirée s’est terminée sur cette note plus «grave», entre un petit pincement au cœur et un frisson dans le dos. Pas toujours facile de parler d’idées noires, même devant une «petite» foule d’à peine 250 personnes, encore moins lors d’un prestigieux festival de renommée internationale!
Mais cette soirée où Lenoir s’est mis à nu comme il l’a fait devant nous, on ne la vit qu’une seule fois!
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. It Could Happen to You (Reprise de Chet Baker)
2. Si on s'y mettait (Reprise de Jean-Pierre Ferland)
3. Tout écartillé (Reprise de Robert Charlebois)
4. OCTEMBRE
5. J.-C.
6. My Funny Valentine (Reprise de Chet Baker)
7. This Guy's in Love With You (Reprise de Burt Bacharach)
8. Wild and Free
9. SECRET
10. HULA HOOP
11. DIMANCHE SOIR
12. Recommencer
Rappel
13. Fille de personne II
14. f.p.b.