LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Frédérique Bérubé
Olivier, Guillaume, vous êtes tous deux les membres fondateurs – avec le multi-instrumentiste Navet Confit qui complète votre trio! – du Théâtre du Futur, une idée qui a émergé de vos trois cerveaux en 2011, avec le show Clotaire Rapaille, l’Opéra Rock, le premier volet de votre «Trilogie du Futur». Ont suivi L’Assassinat du Président (2012) et Épopée Nord (2015). Comment vos chemins se sont-ils croisés, et comment est née l’idée de fonder une compagnie de théâtre?
O. M. : «Je connaissais déjà Guillaume par des amis d’amis de théâtre. Il est sorti du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal en 2007, moi en 2002. J’ai tout de suite aimé son humour dingue et doux. Navet Confit, c’est par le réseau du rock qu’on s’est rencontré. J’étais un gros fan de sa musique, et lui-même aimait bien mon band Otarie. Travailler avec ces messieurs de talent est un régal de chaque instant.»
G. T. : «La compagnie s’est fondée d’elle-même avec Clotaire Rapaille: l’Opéra Rock. Une idée que je traînais sur les coins de ruelles, mais personne ne la comprenait, littéralement. Olivier et Navet ont plongé dedans comme dans une poutine à 3 h 15 AM. On a mêlé nos lasers de l’amour pour ne faire qu’un, c’est devenu notre show aux trois, et c’est là qu’est né le Théâtre du Futur. S’en est suivi L’Assassinat du Président, une autre aventure vraiment trépidante et mémorable, scandale inclus. Olivier et Navet sont de beaux génies, une source d’inspiration, des artistes en constante évolution avec qui on partage toutes nos idées. On a beaucoup de plaisir. On se complète et on s’agrémente, on a même fait de la mise en scène à trois (Les Hôtesses d’Hilaire)! Je suis chanceux.»
Cette année, vous avez soufflé des chandelles, puisque le Théâtre du Futur a célébré son 10e anniversaire – toutes nos félicitations! Et c’est d’autant plus un bel accomplissement, car depuis 2016, vous faites aussi partie du collectif de direction artistique du Théâtre Aux Écuries. Quel a été, pour chacun, votre «moment fort» de la dernière décennie, et glissez-nous quelques mots sur cette collaboration avec l’équipe du théâtre.
O. M. : «Jouer Gilles Duceppe (L’Assassinat du Président) devant le VRAI Gilles Duceppe, c’est assez inoubliable! En coulisse avant le spectacle, on grelottait comme Molière avant d’aller jouer devant le Roi. La controverse entourant le titre du spectacle avait créé un gros buzz autour du show, il y avait un parfum de scandale, c’était malade. Finalement, Monsieur Duceppe était resté après le spectacle et il avait pris le temps de jaser avec nous. Ça reste un gros high dans notre palmarès!»
G. T. : «La première de Clotaire Rapaille: l’Opéra Rock au Jamais Lu au Patro Vys… Mais surtout à Québec au Off Festival d’été. C’était 4 $, c’était jam pack, le son était excellent. Le show venait pichenotter la psyché des Québécois, mais surtout celle des gens de Québec. Bel adon: ils étaient tous là, cordés comme des sardines… On les a pincés fort dans le gras et ils en redemandaient. Clotaire avait raison: ce sont des sado-masos. C’était de leur blessure qu’on parlait, mais on leur offrait un Clotaire attachant qui tentait réellement de les sauver, de les guérir. Ce trip mi-Gainsbourg, mi-Starmania a vraiment pris forme ce soir-là, et tout est devenu limpide, là-bas, à Québec. Beau souvenir.»
Pour souligner cet anniversaire en grande pompe, vous allez présenter, du 7 au 30 mai, La colère des doux, une expérience 100% virtuelle située à mi-chemin entre un show funk, une plateforme web, de la relaxation ASMR (pour ceux qui aiment écouter des sons ou des paroles chuchotées avant de s’endormir!), du cinéma d’animation expérimental et, évidemment, du théâtre! Décrivez-nous plus précisément l’aventure complètement capotée qui attend nos lecteurs ce mois-ci!
O. M. : «C’est un show virtuel qui se déguste sur un site web interactif, un buffet de courts-métrages qui finissent par raconter une histoire dont vous êtes le héros. C’est une foule de petits récits (allant de 2 à 40 minutes chacun) dispersés sur une carte interactive du Québec. Chacune de ces villes a ses propres codes narratifs, musicaux, stylistiques, humoristiques. C’est aussi crampant qu’ambitieux.»
G. T. : «Y’a une brisure dans l’œuvre. Le show est divisé en deux vies. La première vie, celle du départ, est très musicale, festive, mais aussi stressée et à bout de nerfs. Puis, éventuellement, après avoir voyagé de village en village et vécu certaines expériences liées à la Glue Télépathique, ça devient très doux, très introspectif, ASMR. Un calque de ce que nous vivons, peut-être… on est passés de vies très mouvementées à des vies très focusées, absurdes et repliées sur nous-même. Passer l’Étape, c’est un poème.»
«Ça fait longtemps qu’Olivier et moi on rêve de faire de la poésie du futur, et je pense qu’avec ce show, on y touche, surtout avec cette section à «l’Étape». Y’a un excellent lapin aussi, joué par Navet Confit.»
Si on a bien compris «l’enjeu», ce spectacle parle de colères et de frustrations, du prix des bananes qui est à la hausse, d’une révolution qui mène à une guerre civile, à cause d’épais qui ne comprennent rien à rien. C’est ça? Olivier, veux-tu nous résumer l’histoire? Et peut-être que Guillaume pourrait nous dire… où toute cette histoire s’en va?
O. M. : «C’est étrangement un résumé assez juste, ha ha ha! Les gens sont tellement à fleur de peau qu’une guerre civile éclate à cause du prix des bananes. C’est la goutte qui fait déborder le vase plein de marde. Mais au Québec, on n’aime pas ça la chicane, alors les gens choisissent de quitter les grandes villes pour aller fonder des mini-communautés avec leurs amis et tous ceux qui pensent comme eux, loin des autres. Des milliers de microsociétés se réinventent, sans électricité, sans contact avec ceux qui ne pensent pas comme eux. Scoop: c’est jamais un bon plan.»
G. T. : «On part de Montréal vers un monde très communautariste, régional. Puis, après quelques années… vers un monde solitaire, à la limite de la psychose, un Edgar Allan Poe spécial spatial. C’est une ode, une contemplation sur la vie communautaire en silo et sur la solitude aussi. On a peur des autres, mais on a aussi beaucoup besoin d’eux; on fuit, mais on ne peut se cacher l’envie et le fantasme même de se mêler, parfois, souvent, à des gens complètement différents de nous. Et à la toute fin, il y a un retour en ville. Tout est comme avant, mais juste avec un tantinet de goût weird dans les narines.»
Maintenant, fermez les yeux. Ouvrez-les lentement. Clignez deux-trois fois. Très bien. Que voyez-vous? Surprise! Vous êtes en l’an 2084! Là, vous levez la tête et, au-dessus de vous, à travers les nuages, vous apercevez des voitures volantes et des gratte-ciels, bref, le Québec de demain. Devant vous, votre jet vous attend, car vous devez présenter un show, justement au Théâtre Aux Écuries version 2.0. Spontanément, comme ça, qu’allez-vous présenter à votre cher public du futur?
O. M. : «Mmm… 2084, c’est la première de Douze hommes en collants, la première tragédie-ballet-jazz à être administrée au public sous la forme d’un yogourt. Le public mange le show. Littéralement.»
G. T. : «Haha, c’est drôle ça, Olivier. Un yaourt nature? Oui, je pense que le public mérite ce yogourt qui le ramènera non sans nostalgie à l’époque où les aliments étaient autre chose que des sachets. La tournée de ce show dans les camps de réfugiés des stations lunaires sera un yogourt un peu plus «fruits au fond». Il faudra bien le brasser pour en saisir toutes les saveurs. Le thème central du fond, grand enjeu du futur, ce sera le Soleil. En surface, le yogourt nature questionnera royautés et attractions stellaires. L’un des épisodes de la pièce se bâtit autour des frères jumeaux Louis et Alphonse de Bourbon, les deux rois qui règnent en France en 2084. Un règne inattendu, certes. Mais qui fera bien gueuler les Français de toutes les galaxies. Et ça, c’est toujours comique et attachant… surtout dans du yogourt.»
Achetez vos billets en ligne dès maintenant aux coûts de 18 $ (régulier) et 15 $ (étudiant.e) sur le site du Théâtre Aux Écuries ici. Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.
*Cet article a été produit en collaboration avec Théâtre Aux Écuries.
Le trio du Théâtre du Futur dans «La colère des doux»
Par Tous droits réservés @ Frédérique Bérubé