LittératureDans la peau de
Crédit photo : Claudine Dumont
Claudine, tu as étudié la littérature, les contes et la scénarisation, et tu enseignes le français au secondaire en plus d’écrire des romans. D’où t’est venue la piqûre pour la langue française, tant du côté de la lecture que de l’écriture?
«J’ai d’abord aimé les histoires, j’ai commencé à lire très tôt. Dès sept-huit ans, je lisais des petits romans, mais à l’école, je détestais le français. Quand on me demandait d’écrire, je ne comprenais pas pourquoi les règles de grammaire étaient plus importantes que ce que j’essayais d’exprimer.»
«Le français est devenu vraiment intéressant pour moi en tant que langue quand j’ai commencé à étudier la psychanalyse et à comprendre l’importance de l’outil dans l’expression de soi.»
On a également vu que tu as étudié la psychanalyse, et tes romans s’inscrivent justement dans le genre du thriller psychologique. Dis-nous tout: comment te sers-tu de tes «connaissances freudiennes» à des fins d’écriture?
«Le fait de mieux comprendre comment fonctionne l’inconscient m’aide à diriger l’intrigue, à construire mes personnages, à imaginer les possibles de la nature humaine.»
«Je me suis inspirée du livre avec lequel j’ai le plus travaillé durant mes études, L’Interprétation du rêve de Freud, pour lier les images des rêves de Camille dans L’intrusive à des éléments de sa réalité pour en construire le contenu selon l’accomplissement de souhait, la déformation, la source et le travail du rêve que l’auteur et psychanalyste explique dans son analyse.»
Ton troisième roman L’intrusive, publié aux Éditions XYZ, est disponible partout depuis le 3 février. On y découvre la protagoniste Camille, qui est aux prises avec un souvenir envahissant la privant de sommeil depuis plusieurs semaines. Déstabilisée, elle se laisse alors convaincre par son frère Lucas, et Mathilde, la conjointe de ce dernier, de rencontrer un certain «spécialiste du sommeil et des rêves» nommé Gabriel. Peux-tu nous dire quelles émotions tu cherches à éveiller chez le lecteur, tout au long de l’histoire?
«Quand je commence un roman, j’ai toujours une question de départ pour me guider dans l’écriture. Dans Anabiose, c’était de voir s’il était possible de manipuler une situation pour provoquer l’amour entre deux individus. Dans La petite fille qui aimait Stephen King, c’était de savoir si on peut continuer à aimer une personne qui change au point de ne plus être ce qu’on a d’abord aimé.»
«Puis, dans L’intrusive, je me suis demandé ce qui se passerait si ta vie était construite sur une perception erronée de qui tu es, et ce que cela pourrait avoir comme conséquences. J’ai donc essayé d’amener le lecteur à vivre la déstabilisation, la peur, l’angoisse, peut-être même l’horreur de devoir faire face à qui nous sommes vraiment.»
On est également curieux de savoir: comment as-tu travaillé le profil psychologique des personnages qui peuplent L’intrusive, afin de les rendre le plus troublant possible?
«L’exagération. Ce que je connais de moi, des gens proches de moi. Ce que je vis, ce que j’imagine, s’additionne, se tord, se combine, et je pousse jusqu’à ce que ce soit un point d’équilibre entre l’excessif et le crédible.»
«Pour Camille, je voulais montrer comment le corps peut se mettre à crier les souffrances psychologiques quand la conscience les néglige, comme un signal d’alarme impossible à ignorer. La force du contrôle qu’elle s’impose me donnait l’excuse pour l’intensité de la déconstruction qu’elle vit avant d’accepter de se confronter à elle-même.»
Si tu avais carte blanche et que tout était envisageable, quel.le auteur.e – encore vivant.e ou non – rêverais-tu un jour de rencontrer, et de quoi parleriez-vous ensemble?
«J’aimerais discuter avec Stephen King. Il a une imagination sans limite, mais ce qui me fascine dans ses romans, c’est la façon dont il crée ses personnages qui explosent dans ma tête et m’habitent encore, même quand j’ai oublié leur histoire.»
«J’aurais aussi aimé partager un café avec Gaëtan Soucy, pour discuter de la vie, parce que l’énormité de son talent m’aurait trop intimidée pour quoi que ce soit de littéraire.»