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Louis Warynski, alias Chapelier Fou, était de passage dans la métropole lors de la 33e édition du Festival international de Jazz de Montréal dans le cadre duquel il a présenté deux soirs d’affilés au Théâtre de Quat’Sous les plus récents morceaux de son nouvel album, Invisible.
Musicien timide et peu loquace, Chapelier Fou est plus à ses aises derrière son équipement dernier cri que devant un public avare de discours. Fort heureusement, cette réserve est largement compensée par la magie qui opère tel un charme envoûtant au moment où ses doigts agiles pianotent ou pincent les cordes de son violon.
613, son premier opus, était davantage une œuvre visuelle et linéaire au sein de laquelle les mélodies un brin déconstruites transportaient l’auditeur sur un terrain singulier rempli de mystères et de surprises.
Invisible est un album plus asymétrique que 613 mais étonnamment mieux maîtrisé, et on retrouve d’ailleurs certaines présences vocales, notamment celle de Matt Elliott sur «Moth, Flame» et celle de Gérald Kurdian (un musicien montréalais que Louis Warynski a rencontré en tournée) sur «Vessel Arches». Chapelier Fou a, depuis ses balbutiements, adopté une assurance qui se ressent bien dans sa maîtrise des loops et des instruments à cordes.
D’entrée de jeu, l’insertion dans l’univers synthétiquement modifié d’Invisible se fait à pas feutrés, tout en douceur, avec l’excellent morceau langoureux «Shunde’s Bronx», dans lequel rythmiques électro et pincements de cordes de violon s’affrontent dans une lutte sans merci. Au sein de ce tumulte désordonné, Chapelier Fou semble retrouver un semblant d’équilibre lorsqu’il met la main à l’archet et transforme la mélodie en complainte plus mélancolique, tourment qui prendra d’assaut la majorité des morceaux. La chanson «Cyclope and Othello» enchaîne aussitôt avec une mélodie très tiersienne, où de douces clochettes résonnent au son d’un violon plus grinçant. «Vessel Arches» contraste légèrement avec le reste puisque chantée, et sa substance, plus pop, est littéralement calquée sur The English Riviera de Metronomy. La plus belle chanson de l’album, «Fritz Lang», vient rehausser la qualité de l’écoute avec des loops au violon ainsi qu’une mélodie de basses en arrière-plan, qui rappelle l’ambiance généralement spatiale et planante de Nosaj Thing, en particulier sur Drift. «Le tricot», de par sa redondance, est probablement le titre le moins intéressant d’Invisible, mais cette tache temporaire à l’écoute n’entrave en rien l’appréciation de l’album, puisque Chapelier Fou reprend son rôle derrière le violon avec les magnifiques «Protest», «P Magister» (qui ressemble drôlement aux mélodies de Ratatat), ainsi que «Moth, Flame», qui clôture l’album tout en beauté avec la voix grave et suave de Matt Elliott.
Louis Warynski, alias Chapelier Fou est un nom à retenir, mais surtout un artiste à voir à l’œuvre.
Appréciation: ****
Crédit photo: Ici, D’ailleurs…
Écrit par: Éric Dumais