Voix magnifiques et amour tragique: L’Opéra de Montréal présente «La Bohème»

La Bohème, ce sont les hauts et les bas de la vie amoureuse de Marcello et Rodolfo, un peintre et un poète, deux colocataires habitant le Quartier latin de Paris en 1830.

Marcello (Justin Welsh) s’éprend de Musetta (Lucia Cesaroni), une femme profiteuse et calculatrice, tandis que Rodolfo (Luc Robert) tombe follement amoureux de Mimi (France Bellemare), dont la santé précaire constitue la tragédie que vivront nos protagonistes.

Les gens heureux n’ont pas d’histoire 

Le compositeur italien Giacomo Puccini explore la thématique de l’amour qui consume, mais aussi celle de la mort, douloureuse et injuste. Pour cet opéra, Puccini a revisité la pièce de théâtre tirée du roman Scènes de la vie de bohème (1851) d’Henri Murger, afin d’offrir sa vision d’une histoire d’amour tragique. Plusieurs sentiments sont ainsi vécus, l’insouciance de la jeunesse, les balbutiements de l’amour naissant, la jalousie, la peur et la tristesse.

Il est vrai que pour les spectateurs habitués à fréquenter les salles, le fait de ne pas entendre la rumeur du parterre et de ne pas pouvoir ressentir l’ambiance est un sentiment curieux. Car ce type de présentation a quelque chose de particulier. Il est vrai qu’écouter les voix des artistes résonner constitue une expérience unique en soi. Cependant, écouter un opéra dans le confort de son salon en vaut tout autant la peine. En ayant moins de distractions, on remarque des choses qui nous auraient peut-être échappé autrement.

Par exemple, il est facile de bien voir les expressions faciales. Souvent, les spectateurs vont se concentrer davantage sur l’artiste qui a la parole, tandis que le jeu des autres personnages passe inaperçu. Bien sûr, le montage vidéo dicte ce que voit le public, mais ce choix éditorial a été fait avec sagesse. Par ailleurs, il y a plusieurs plans d’ensemble, la magie de la scène est donc présente tout au long du spectacle.

Des voix magnifiques

La distribution est fantastique, et les voix sont d’une grande beauté et se complimentent bien entre elles. Lucia Cesaroni incarne une Musetta pétillante, une manipulatrice qui sait faire preuve de bonté et qui a un cœur, malgré tout. Le Marcello de Justin Welsh est attachant, malgré son côté frivole, et il aspire à une idylle sans heurt avec sa Musetta.

France Bellemare personnifie avec brio Mimi, une couturière et grande romantique, qui tente de vivre un amour pur malgré l’épée de Damoclès qui est au-dessus de sa tête. Elle interprète ce rôle avec toute la gamme d’émotions découlant de sa situation, que ce soit le sentiment amoureux, la résilience face à la tragédie et l’altruisme, et ce, avec beaucoup de luminosité, d’empathie et de présence. Elle sait jouer avec l’intensité nécessaire, sans jamais exagérer, conférant ainsi à Mimi délicatesse et crédibilité.

Rodolfo, sous les traits de Luc Robert, est un artiste rongé par la jalousie, un ami présent pour son entourage, mais un partenaire quelque peu froid pour la supposée femme de sa vie. Il tombe rapidement amoureux de sa belle et on perçoit le sourire sur ses lèvres. Cependant, plus l’histoire progresse, plus on constate qu’il peine à remarquer le tourment de sa belle et semble même insensible par moments. Le chanteur offre un jeu quasi stoïque, ce qui crée une rupture dans cette pièce où l’amour et la douleur sont si palpables, spécialement à la fin.

Une soirée réussie (dans son salon)

Le décor est superbe, mais surtout très bien conçu en fonction de la mise en scène qui est particulièrement efficace. Alain Gauthier a ici créé des personnages réalistes qui ne tombent pas dans le piège de la facilité, c’est-à-dire en reprenant les gags clichés de la comédie. L’éclairage est bien exécuté, il s’imbrique dans l’histoire avec une fluidité incroyable.

Cependant, l’Orchestre Métropolitain, sous la baguette de James Meena, a de la difficulté à se mettre en valeur. Ce n’est pas le talent des musiciens qui est le problème, mais plutôt la balance du son.

Sinon, les sous-titres sont fort utiles, spécialement pour ceux qui ne parlent pas la langue de Puccini. Certains éléments importants de l’histoire seraient moins bien compris sans cela, ce qui pourrait empêcher le public de pleinement s’immerger dans le drame.

Il est tout à fait possible pour les spectateurs de prendre plaisir à cette représentation de La Bohème et sans toutefois perdre le côté grandiose de cette œuvre. Il n’y a pas de longueurs ni de moments plus ennuyeux. Il est facile de se laisser séduire par ce spectacle et même de s’en imprégner.

La Bohème est offerte gratuitement et je vous recommande fortement d’en profiter. Bon visionnement, dans le confort de votre salon!