LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Marie des neiges Magnan
Julie, tu es nutritionniste, rédactrice, conférencière et aussi la chef d’orchestre d’évènements agroalimentaires savoureux. Petite fille, étais-tu déjà cette exception à la règle qui ne levait jamais le nez sur les légumes? On aimerait en savoir plus sur toi! Parle-nous de ton parcours d’hier à aujourd’hui.
«C’est un parcours mené par la gourmandise! Mes parents racontent que j’étais un bébé gourmand et il semble que ça ne m’ait jamais quitté. J’ai choisi d’étudier en nutrition parce que c’est un métier qui me permettait de parler de nourriture du matin au soir. Diplôme en poche, j’ai poursuivi à la maîtrise en nutrition en m’intéressant aux habitudes de cuisine maison des Canadiens, puis j’ai fait un saut en France pour m’intégrer, le temps d’un échange étudiant, à un programme en histoire et culture de l’alimentation.»
«En fait, j’étudie à peu près sans arrêt depuis, un cours à la fois, par intérêt personnel et pour élargir le regard que je pose sur mon domaine (pratiques socioculturelles de la gastronomie, développement rural, agroforesterie…) Ma façon d’aborder la nutrition va donc au-delà des éléments nutritifs: pour moi, bien manger, c’est aussi mieux connaître nos aliments, savoir d’où ils viennent, comment ils ont été produits, par qui, de quelle façon, et comment les apprêter et les conserver pour les savourer avec plaisir sans gaspiller!»
En 2010, tu as lancé ton site web pour partager ton plaisir de cuisiner, de bien manger et de voyager «gourmandement!» C’est qu’il est primordial, pour toi, de t’intéresser à l’origine des aliments et non seulement à leur goût! D’où t’es venue cette soif de savoir en matière d’alimentation?
«Voyageuse de nature, attirée par la campagne, et toujours aussi gourmande devant l’éternel, j’ai parcouru le Québec par ses routes de rangs. Pour le plaisir, puis pour le travail, en choisissant des mandats qui m’amenaient à me déplacer d’un bout à l’autre de la province. Troquant la restauration de bord de routes pour des arrêts d’approvisionnement chez les fermiers et artisans gourmands, j’ai rencontré, au fil des ans, des centaines d’agriculteurs passionnés et passionnants, qui m’ont fait tomber en amour avec l’agriculture, le territoire nourricier et, plus que jamais, accorder de l’importance et du sens à l’origine des aliments.»
«Ma façon de communiquer sur l’alimentation a pris la forme de portraits de producteurs, de récits d’escapades gourmandes pour inspirer les gens à parcourir nos campagnes, et de recettes à saveurs locales. Au-delà de JulieAube.com, je partage mon amour pour ce que j’appelle «le goût du sens» dans différents magazines et sites, en conférences, et en 2016, j’ai publié Prenez le champ!, mon premier livre composé de portraits d’agriculteurs et d’artisans qu’on peut visiter.»
«En d’autres mots, c’est une invitation à devenir agrotouriste, une invitation que je renouvelle chaque saison, depuis 2017, sous forme d’Évènements Prenez le champ! avec lesquels je joue l’entremetteuse entre les fermiers et les mangeurs en orchestrant des rencontres de qualité sous forme de visites et d’activités qui favorisent la reconnexion dans un contexte de plaisir. Cette reconnexion est devenue ma mission: (re)tisser des liens avec l’agriculture et le territoire en associant des histoires, des visages, des villages et des paysages à nos aliments.»
Cette année, tu as dévoilé ton plus récent livre, Mangez local! Recettes et techniques de conservation pour suivre le rythme des saisons, publié aux Éditions de l’Homme, grâce auquel tu souhaites initier tes lecteurs à l’idée de manger au rythme des saisons. Parle-nous de ta mission et de ce que tu y proposes comme recettes et astuces.
«Mangez local!, c’est une suite logique à Prenez le champ! (livre et évènements), en ce sens qu’une fois qu’on est tombé en amour avec le territoire et les gens inspirants qui le cultivent pour nous donner accès à des aliments de qualité et de proximité, ces aliments se gorgent de sens, et on devient «accro» au goût du sens. L’affection développée envers l’agriculture locale est un élément qui mobilise et motive à vouloir mettre plus de proximité au menu. C’est pourquoi j’aime l’expression «manger près», parce que la proximité n’est pas seulement géographique, elle se développe aussi envers la nature, les gens. S’il est possible de trouver des viandes, légumineuses, œufs, huiles, fromages, grains et autres aliments locaux à l’année, les fruits et les légumes locaux peuvent poser un défi rendu en hiver.»
«L’idée de Mangez local! c’est de partager un plan pour s’organiser à savourer les saveurs de saison quand elles passent, mais aussi pour en conserver pour les mois plus froids qui font partie de notre réalité et de notre identité. Et des trucs, techniques et astuces, il en existe tout plein! J’ai souhaité les rassembler en outil pratique, abordant autant l’approvisionnement en mode «manger près» que les techniques de conservation des fruits et légumes locaux, le tout organisé en chapitres qui correspondent aux douze mois de l’année. De mai à octobre, pendant la saison des récoltes, on savoure la fraîcheur et on fait des provisions. Puis, de novembre à avril, on fait honneur à ses provisions pour se concocter des menus à saveur locale même l’hiver!»
Qu’on se le dise : l’arrivée de la COVID-19 a littéralement chamboulé nos vies, et ce, à plusieurs niveaux. Mais s’il y a au moins un avantage à tirer de cette «leçon de vie», c’est notre philosophie nouvelle, disons-le, face au commerce local, face à l’importance d’encourager local. Ton livre tombe vraiment à point! Partage-nous ta position face à l’importance d’encourager la productivité et l’offre d’ici.
«La crise a mis la lumière sur la fragilité des systèmes alimentaires globalisés et souligné l’importance des systèmes alimentaires de proximité. Nul besoin de viser 100% local, mais il n’existe que de bonnes raisons pour mettre, chacun à son rythme selon sa réalité, un peu plus de proximité au menu! Manger près, ce n’est ni un dogme ni une religion; c’est une vision de l’alimentation saine pour nous, pour l’environnement et pour la collectivité. Mangez Local! est un petit coffre à outil qui nourrit de grands espoirs d’inspirer à valser avec les saisons pour célébrer dans l’assiette ce qui est produit près de chez nous.»
Pour nos lecteurs, dont la curiosité sera clairement piquée après la lecture de cette entrevue, et qui auront envie de manger local au cours du week-end, serais-tu partante pour nous proposer LA recette de ton choix, celle qui apportera un baume de fraîcheur sur une journée caniculaire?
«Ma salade de radis aux herbes du moment est une superbe façon – sans cuisson ou presque – de faire honneur à ce légume hyperfrais, mais pour lequel on a parfois besoin de nouvelles idées!»