LittératureDans la peau de
Crédit photo : Elizabeth Delage
Annie, on ne connaît pas grand-chose sur l’autrice en toi, mais on sait que tu es née à Montréal, que tu as passé ton enfance sur la Rive-Sud, et qu’il y a une décennie que tu travailles dans l’univers des jeux vidéo, notamment comme scénariste. Parle-nous un peu de ton parcours et de ce qui t’a mené à vouloir partir à l’aventure par le biais de l’écriture.
«J’ai toujours aimé raconter des histoires. Plus jeune, je l’ai fait par plaisir en inventant des fables rigolotes pour mes amis, puis j’ai aiguisé ma plume par le biais des journaux étudiants. Je voyais, en les jeux vidéo, une autre manière de créer des récits et des univers, mais c’était avant la grande vague des jeux indépendants, et les occasions de sortir des sentiers battus étaient rares. Lorsque j’ai profité d’un congé de maternité pour m’essayer au roman, je m’y suis tout de suite sentie beaucoup plus libre.»
Le public t’a d’abord connue avec la série jeunesse Victor Cordi, parue en huit tomes à La courte échelle. Dans cette histoire, le jeune Victor reçoit une clé de sa grand-mère mourante, qui lui permet d’accéder à un monde peuplé de personnages pour le moins surprenants. Raconte-nous brièvement l’histoire et le défi que ça représente d’écrire une histoire en plusieurs tomes.
«Victor est un passionné de jeux vidéo, qui a l’occasion de vivre une aventure «dans la vraie vie» en traversant dans un monde appelé Exégor. Le garçon tente de comprendre ce qui relie ce monde à sa grand-mère, et surtout, au cancer qui ravage le cœur de cette dernière. J’avais envie d’inventer un univers fantastique qui serait bien à moi, plutôt que de me coller à celui de Tolkien, comme bien d’autres livres du genre. Je dois avouer m’être bien éclatée à inventer des peuples et des créatures de toutes sortes.»
«J’ai su, dès le départ, que ça serait une série de longue haleine. Les grandes lignes m’étaient venues d’un coup en même temps que le concept de base. Pourtant, entre chaque manuscrit, j’ai été prise par une terrible peur d’être à court d’idées! Je me disais: «Ça y est, je n’ai plus rien d’original à proposer». Chaque fois, il a suffi de laisser macérer un peu, d’affronter le page blanche quelques heures, et de nouveaux fils sont apparus pour continuer à tisser la toile.»
Cette année, du côté des Éditions Druide, tu dévoiles le tome 2 d’une autre série, Pétronille inc., dont le titre est Chauves-souris locales, une histoire de sorcières magnifiquement illustrée par Boum, qui avait aussi signé le tout premier tome. Parle-nous un peu de cette Pétronille et des péripéties qui l’attendent dans cette nouvelle aventure.
«Au-delà du plaisir d’écrire une histoire de sorcières, Pétronille parle de débrouillardise, d’entrepreneuriat, et du rejet de ceux qui sont à contre-culture. Mon héroïne se voit refuser le poste d’apprentie, parce que ses choix vestimentaires ne plaisent pas aux autres sorcières. Elle doit donc se débrouiller seule, à dix ans à peine. Elle démarre une entreprise de cueillette d’ingrédients sur demande, et chaque recueil se concentre sur une commande particulière. Ainsi, le premier s’appelle Bave de crapaud bio, le second Chauves-souris locales et le troisième s’intitulera Mandragore sans gluten».
«J’en profite pour mentionner que j’ai également publié, dans la dernière année, le second tome de la série Soutermonde chez Bayard Canada, ainsi que le roman La Promesse du fleuve chez l’éditeur français Castelmore.»
On est curieux: pourquoi avoir opté pour la littérature jeunesse plutôt que la fiction pour adultes, par exemple?
«J’aime la capacité des jeunes à dire un grand «oui» à n’importe quel univers. Je peux leur proposer que des créatures invisibles vivent sous leur canapé, que des rats vivront mille aventures dans les égouts après la disparition des humains, ou que les sorcières naissent dans les chardons. Les moins de 15 ans embarquent, et ce, sans résistance et sans cynisme. D’un autre côté, certains de mes livres sont lus et appréciés par les adultes. Les Chroniques post-apocalyptiques d’une enfant sage, par exemple, aurait probablement pu être publié sous une étiquette généraliste et y trouver son public.»
Si tu avais la chance de tomber sur un génie, comme ça, par hasard, et qu’il acceptait de réaliser un seul de tes trois souhaits, ton premier en tête de liste étant celui d’aller souper avec le personnage de fiction jeunesse qui a le plus marqué ton imaginaire. Qui serait-il et de quoi aurais-tu envie de lui parler?
«J’irais passer la soirée en tête à tête avec le Bon Gros Géant de Roah Dahl. Je goûterais les fameux schnockombres, je tenterais de retenir les mots bizarres qu’il invente, puis on battrait la campagne à la recherche de nouveaux rêves à mettre en bocal pour sa collection. Ce serait une chouette soirée, remplie d’aventure et d’émerveillement.»