LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Mathieu Girard
Michel, peux-tu nous raconter d’où est née ta passion pour l’écriture et, plus spécifiquement, pour la poésie?
«La passion de l’écriture. J’écris par plaisir des mots, des musiques, des images pour nommer le vivant. C’est déjà la poésie. Le geste du péril, l’enfoui, la pulsion vibratoire de la chair. Sur le papier, cette matière première, je pousse jusqu’aux confins de la langue.»
Tu as l’habitude d’accompagner tes poèmes de tes propres illustrations. Quand as-tu commencé à t’intéresser à l’art visuel, et comment as-tu aiguisé ton crayon au fil du temps?
«Dessiner. Avec des plumes, des calames, des pinceaux. En harmonie avec l’outil, en résistance au matériau. L’art est une expérience de saisissement. Un cri. Un silence. Je dessine les lettres, les mots jusqu’à perdre toute référence. Pour trouver l’innommable. Je dessine depuis le temps de l’écriture.»
Par ailleurs, tu as enseigné la philosophie, notamment la pensée chinoise. Est-ce que ces connaissances ont influencé ton écriture et, si oui, de quelle façon?
«En Asie, le peintre est aussi poète. C’est autour du Vide, cette réalité d’ouverture que mon intérêt s’est développé pour les calligraphies, les idéogrammes chinois et japonais. Plonger au cœur de ces traits qui vont dans toutes les directions, découvrir leur efficacité pour entrer dans l’univers du chemin étroit, tel est le voyage de l’errance. Éphémère, non permanent.»
Ton plus récent ouvrage, La condition des matins, vient tout juste de paraître aux Éditions du Noroît ce 10 février. Comment décrirais-tu les sujets abordés, les inspirations et les grandes lignes de ce nouveau recueil?
«C’est l’histoire d’un parcours. Celui du Présent, seule connaissance utile. Surtout le corps, la clarté, le vent et la tendresse. Les œuvres qui accompagnent cette route de l’Inachevé sont aussi produites selon un rituel quotidien que j’affectionne. Je trace le matin et me refais près du regard. Là on parle peu. L’œil est tout.»
Il semblerait, si nous comptons bien, que La condition des matins soit ton vingt-cinquième ouvrage à être publié (poésie et art visuel confondus). Selon toi, qu’est-ce qui distingue ce «petit dernier» de tous les autres?
«J’aime particulièrement ce livre. Le texte constitue un défi en lui-même. Trouver des mots qui parlent au présent. En alternance avec le quotidien japonais. Les dessins, liés à une pratique lithographique, rappellent l’épaisseur des choses, la transformation du papier, les forêts qui m’habitent. Ils sont nature vivante.»
«La qualité de l’impression, encre noir sur papier blanc, ajoute une force qui pallie au désarroi initiatique du vivant. J’appelle cela l’élégance du bonheur! La condition des matins, résultat d’une heureuse collaboration avec Le Noroît, marque mon retour à cette maison.»