LittératurePoésie et essais
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À propos du ciel, tu dis de Sarah Brunet Dragon (Éditions du Noroît, 2017) • 134 pages • 20 $
Sarah Brunet Dragon offre une incursion dans un univers sensible, fragile, mystérieux. Au détour de ses poèmes, on se retrouve face à une relation mère-fille qui semble se heurter à un mur, à un dialogue de sourds… Et qui, pourtant, révèle un dialogue certes décousu, mais de plus en plus présent au fil des chapitres.
Dans un monde sauvage, parfois nocturne, les deux s’apprivoisent doucement à travers différents états et moments de la vie, jusqu’à être capables de faire communiquer leurs âmes enfin connectées. À découvrir sans plus tarder!
«après ton départ / j’empile les oreillers / devant ta porte, je reste / assise là comme au ciel / à pleurer / pour rien / tu es déjà loin»
Dans ta grande peau de Catherine Côté (Éditions de l’Hexagone, 2019) • 65 pages • 16,95 $
Ce petit livre au format presque carré, très pratique à glisser dans une poche, a été une révélation pour moi! La jeune écrivaine de 28 ans démontre, par le biais de ses choix et de ses agencements de mots, le talent qu’elle possède pour faire voyager l’âme du lecteur dans une dimension poétique et onirique.
Dans ta grande peau nous fait traverser Montréal la nuit à travers les yeux d’une personne en errance, insomniaque et très réceptive à ce qui l’entoure. D’une véritable déclaration d’amour à la ville, ses pensées vont doucement nous faire glisser «de l’autre côté» avec un dernier poème où la personne qui s’exprime assume un adieu maladroit – mais touchant – à cette ville dans laquelle elle a tant flâné. Un bijou!
«et partout tu me parles / de loin comme de proche dans la rumeur Montréal tu chantes mon nom pour que je descende de chez moi / je me laisse convaincre que je n’arrive plus à lire mes gros livres plates / quand je suis happée par le bruit d’en bas par le bruit des gens vivants / vibrants»
Bagages, mon histoire: poèmes de jeunes immigrants de Rogé (Éditions de la Bagnole, 2018) • 36 pages • 24,95 $
À l’heure où l’immigration est au coeur de tous les débats au Québec, ce livre insuffle un vent de fraîcheur avec les ressentis des nouveaux arrivants, c’est-à-dire ceux qui sont directement concernés par de potentielles mesures politiques à venir. Eux, qui vivent le déracinement de leur pays d’origine et l’enracinement au Québec, ne peuvent pas être mieux placés pour parler de ce phénomène qu’ils vivent de l’intérieur. C’est ainsi que, dans ce livre, de jeunes Ukrainiens, Israéliens, Iraniens, Philippins, Colombiens, Pakistanais et Coréens du Sud – entre autres – se prêtent au jeu d’exprimer leur vécu et leurs sentiments dans la langue de leur nouvelle terre d’accueil.
Il en ressort des témoignages touchants et sincères, accompagnés des belles illustrations de Rogé qui a peint les portraits de cette jeunesse à l’huile. Au final, se procurer et lire Bagages, mon histoire, c’est réouvrir son coeur et son âme à un monde qui semble chaque jour de plus en plus cloisonné.
«Il y a des gens à côté de moi / C’est réconfortant / Comme un chocolat brûlant / L’Iran est loin de moi / Je ne le contemple / Que sur la carte du monde / Au fond c’est proche / Je suis à une grandeur de main / De mon pays natal» (Kourosh Mohammadzadeh, Iran).
Il fait un temps de bête bridée de Mathieu Simoneau (Éditions du Noroît, 2016) • 70 pages • 17 $
À travers un long périple parsemé de créatures et de pensées tourmentées, Mathieu Simoneau rêve de revenir aux sources, là où tout a commencé. Il observe le déchirement de la nature, le déracinement des arbres, la bêtise humaine qui détruit tout sur son passage et enferme les Hommes dans des tours urbaines étouffantes. Il erre, il se questionne, il partage son désespoir vis-à-vis d’une fin du monde annoncée.
On sent entre ses lignes un sentiment de révolte (et à la fois d’impuissance) de la bête qui dort en lui. Toutefois, ces moments plus sombres sont entrecoupés de lueurs d’espoir, notamment lorsqu’il fait une rencontre étincelante – un amour qui réveille en lui un désir pur et inassouvi. En somme, un livre plus que jamais d’actualité, qui fait réfléchir en finesse et amène le lecteur à considérer cet enjeu majeur de notre époque… en ces temps féroces où la planète se meurt un peu plus chaque jour.
«l’avenir nous glisse des mains / truite en cavale / dans les eaux troubles / les sea-doos font des ronds / dans l’éternité / de nos après-midis / l’espoir est une denrée rare / parmi tant d’autres / et tandis qu’on malmène / des animaux usinés / la nuit nous pourchasse / jusqu’au faîte des arbres.»
Premier quart de Véronique Sylvain (Éditions Prise de parole, 2019) • 100 pages • 17,95 $
C’est une belle surprise que d’avoir reçu, cet automne, ce recueil de poésie de la part d’une alliée du secteur de l’édition en Ontario! Véronique Sylvain, qui a complété une maîtrise en lettres françaises à l’Université d’Ottawa, et dont la thèse de recherche porte justement sur les représentations du Nord dans la poésie franco-ontarienne, a assouvi, avec cet ouvrage publié aux Éditions Prise de parole, sa soif d’aller à l’exploration de cette littérature dite nordique, en nous offrant de courts poèmes, qui se lisent à la façon d’un navire de bois à la dérive.
Au fil des parties qui composent son squelette narratif, on suit la poétesse dans ses souvenirs, dans ses anecdotes, dans ses tranches de vie, alors que le Nord soupire / l’hiver s’installe. Au fil des pages, on a l’impression de grelotter toujours un peu plus, alors que la météo descend sous zéro et que l’hiver déverse tranquillement son manteau blanc. Heureusement, la chaleur des belles métaphores nous réchauffe l’âme: une neige / douce / et chaude / fond sur / ma langue… je french / le froid.
Je recommande ce recueil pour la beauté des images évoquées, pour les jeux avec la langue, et cette représentation du froid, qui représente si bien le Canada. – Avis d’Éric Dumais