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Crédit photo : Tim Matheson
Sur la scène de la Cinquième Salle, notre regard s’est d’abord posé sur la scénographie d’Hedi Graja, qui nous a rapidement emmenés en Antarctique. J’ai observé de grandes toiles blanches qui m’ont fait penser à des icebergs. Les éclairages bleus et sombres fortifiaient ce désir de nous plonger dans une ambiance hivernale.
Nous avons alors aperçu trois artistes portant chacun des chapeaux en fourrure et des costumes confectionnés par Stéphanie Rodrigue et Estelle Foisy, qui évoquaient des Inuits jouant avec des percussions.
Personnellement, j’ai tout de suite fait le lien avec nos ancêtres, ces peuples autochtones inuits, qui ont su combattre des températures extrêmes, qui ont vécu dans l’exil, aussi, mais dont le quotidien a toujours été ponctué de traditions et de musique. D’un autre côté, ils me faisaient aussi penser à un autre groupe de nomades, les gitanes d’Andalousie, lesquels, avec leur musique et leur danse, savent exprimer des thèmes puissants, comme l’amour, la passion et la liberté.
L’artiste Myriam Allard, en pleine performance, accompagnait les rythmes des percussions avec une danse aux allures d’une Soleá (l’une des formes de danse du flamenco, dont l’étymologie du mot veut dire «solitude»). J’ai trouvé cela intéressant cette façon qu’elle avait d’attraper une toile blanche et de la transformer en une longue jupe qui accompagnait et fortifiait l’essence de ses mouvements. À sa suite, c’est l’artiste Heidi Graja qui nous a captivés, avec son chant puissant, comme un cri mélodieux, et son interprétation.
Sur une note un peu moins positive, je dois avouer qu’il y a eu quelques moments qui ont brisé la fluidité et le rythme du spectacle. Plus précisément, j’ai trouvé qu’il manquait d’unicité entre les enchaînements, comme si un long silence s’installait sur la scène. Peut-être que cet effet a été pensé pour approfondir la poésie et la signification de l’œuvre, va savoir.
L’innovation d’une danse puriste
Le moment le plus vigoureux de MAGNETIKAE a définitivement été lorsque Myriam Allard et un musicien ont exécuté une performance énergétique et innovante, comme si l’on assistait à une bataille entre un animal et un humain. La musique, des sons de percussions semblables à celui du cajóne (un instrument de musique inventé au Pérou au XVIIIᵉ siècle), accompagnait «Las Llamadas» (l’ouverture d’une danse de flamenco) à la perfection, et la gestuelle et l’interprétation des deux artistes ajoutaient de la force à leur performance.
Nous avons aussi pu apprécier des moments ludiques au cours desquels les artistes nous ont raconté une histoire à travers leurs danses et leurs chants. S’il y a bien un élément qui a vraiment attiré mon attention, c’est lorsque Myriam Allard a dansé sur un patin avec sa jambe gauche et sur un tacon (un soulier de flamenco) avec sa jambe droite. Elle faisait des pirouettes sur le patin et reprenait sa danse agilement avec son tacon. L’effet a été réussi, c’était par ailleurs très audacieux comme idée, et cela a ajouté une touche de magie à sa performance.
MAGNETIKAE est un spectacle inquisiteur qui pourrait créer un certain inconfort chez les puristes du flamenco, car la danse et les rythmes adoptent ici une forme contemporaine. On pourrait même se demander si la façon dont la musique et la danse ont été incorporées et fusionnées fut si judicieuse que cela. Cependant, le spectateur en aura assurément plein la vue, car la technique et le chant pur de cette danse sont bel et bien au rendez-vous.
Une mention spéciale à la recherche artistique et à la création de la compagnie La Otra Orilla, dont les artistes et interprètes ont su créer un univers unique et poétique afin de nous raconter une histoire, celle de la puissance du flamenco et celle de la douceur de la poésie que le temps hivernal apporte dans nos vies.
«MAGNETIKAE» de La Otra Orilla en images
Par Claudia Chan Tak, Tim Matheson et Lydia Pawelak
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