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Crédit photo : Frédéric Chais (Interprètes: Mattew Heli Brunel et Sébastien Provencher)
De belles bêtes qui se métamorphosent en êtres humains
Sur une scène minimaliste, éclairée par des lumières sombres, j’ai aperçu deux personnes accroupies au sol. Au premier coup d’œil, j’ai eu cette impression d’être face à deux embryons humains qui bougeaient doucement au rythme de la bande sonore de Raphaël D’Amours.
Petit à petit, ils se sont transformés; ils ont pris de l’ampleur, laissant voir deux corps humains aux muscles bien définis.
Les deux embryons (Mattew Heli Brunel et Sébastien Provencher) se sont alors métamorphosés devant mes yeux en hommes, bougeant avec fluidité sur un sol en plastique qui émettait un son particulier pouvant ressembler au craquement d’une feuille d’automne lorsque l’on marche dessus. Ce son accompagnait les mouvements des deux hommes, et cela m’a donné la sensation qu’ils étaient des félins, des animaux, voire de belles bêtes laissant une trace sur leurs chemins.
Puis ils se sont mis debout, bougeant de gauche à droite, en prenant soin de montrer leur profil pour évoquer, avec leurs corps, des formes géométriques. Bien que certains spectateurs ont pu y voir une référence à des images égyptiennes, pour ma part je me suis plutôt laissée imaginer des corps et des figures de la mythologie grecque. Plus encore, j’ai eu en tête l’image de Vaslav Nijinski interprétant L’après-midi d’un faune,un ballet qui souligne l’animalité et la sensualité du faune, car les interprètes construisaient les mêmes figures.
La suite de leur performance fut embellie par les images poétiques du vidéaste Marco Dubé. Ici, nous avons pu voir une fusion entre l’art numérique et la danse, qui se complémentaient l’une avec l’autre, et qui montraient l’évolution de l’homme; celui qui a d’abord été un embryon, puis un animal, ensuite une bête, pour finalement se transformer, avec le temps, en être humain.
Une nervosité déstabilisante
Après un entracte d’une quinzaine de minutes, nous sommes retournés dans la salle intime de l’Espace Vert pour y découvrir l’œuvre Cantos para los isaciables, interprétée, chorégraphiée et composée par Alejandro Sajgalik.
Sur la scène, on pouvait admirer l’artiste allongé à côté d’une console de musique. Il portait un masque et prenait de longues respirations profondes. On aurait dit qu’il était allongé sur un lit d’hôpital, torse nu, et que la console lui servait comme un moniteur de fréquence cardiaque.
C’est cette image qui a fait naître l’idée d’une quête entre le corps de l’interprète et la réalité de nos jours. C’est comme si son corps voulait se détacher de ses pensées et de ses émotions qui l’angoissent, et qu’à travers la danse, il pouvait montrer toute la rage et le désespoir qu’il avait en lui.
J’ai pu suivre une danse et une gestuelle nerveuses qui évoluaient et changeaient d’intensité selon la vivacité de la musique. L’artiste a su bien utiliser son corps et nous a parlé dans un langage éphémère et puissant, qui se transformait en danse et en sons forts en significations.
En définitive, la force de cette œuvre réside dans l’interprétation de l’artiste. Chapeau à Alejandro Sajgalik qui a réussi à nous déstabiliser, en tant qu’humains, grâce à ses mouvements et à sa gestuelle riche en nervosité et en hybridité.
«Belles bêtes» de Soraïda Caron + «Cantos para los isaciables» en images
Par Frédéric Chais, Sandra Lynn Bélanger et Denis Martin
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