ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marie-Andrée Lemire
La psychose collective et la chasse aux sorcières sont des thèmes résolument modernes, et sont à l’avant-plan de ce texte du dramaturge catalan Josep Maria Miró écrit en 2011. Huis clos qui explore les subtilités inhérentes aux «mensonges blancs», on s’y attarde aussi à la vie privée et à la pédophilie.
Qui croire quand une enfant raconte à son père qu’elle a cru apercevoir son moniteur Pierre (Lucien A. Bergeron), à la piscine, embrasser un autre enfant sur la bouche? Anne (Geneviève Alarie), la directrice de l’établissement, veut bien lui donner le bénéfice du doute, mais elle est pratiquement harcelée par un père de famille (un Sébastien Rajotte de qui émane une menace sourde) homophobe qui mène une campagne de salissage sur Facebook. Quant à Vincent (Daniel D’Amours), l’autre moniteur qui est aussi un très bon ami de Pierre, il est déchiré entre sa loyauté et la panique.
La tension s’installe tranquillement dans la mise en scène de Christian Fortin, et les scènes ne sont pas jouées en ordre chronologique, un processus tout d’abord déroutant, qui finit par faciliter la compréhension du récit. Il comporte beaucoup de nuances, et on ne saura jamais vraiment si Pierre est un personnage dont on devrait s’inquiéter; par ce choix narratif, Miró place volontairement les spectateurs au même niveau que les autres personnages, qui devront le décider eux-mêmes.
Les interprètes, tous très solides, portent un récit où certains vides doivent être comblés par l’audience et où on a un peu l’impression de participer. La performance de Lucien Abbondanza Bergeron y est pour beaucoup, lui qui débute le récit avec l’attitude d’un crâneur confiant de ses moyens, pour ensuite passer par plusieurs gammes d’émotions et aboutir, au final, à une panique bien compréhensible. Geneviève Alarie, quant à elle, peut se targuer d’une fragilité bien dissimulée sous une façade autoritaire, qui finit par craquer pour laisser entrevoir un bouillant drame intériorisé.
Ce qu’on retient le plus de cette expérience, c’est le goût amer laissé en bouche par les parents qui sautent aux conclusions et qui s’enflamment entre eux sur Facebook, le danger des amalgames, et l’improbabilité du dénouement. Une fois la poussière de la psychose collective retombée, il nous reste un récit verbeux et bien ficelé où la tension monte lentement, soulevant davantage de questions qu’il n’apporte de réponses.
«Le principe d’Archimède» en images
Par Marie-Andrée Lemire
L'avis
de la rédaction