ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Maxyme G. Delisle
«Disparu.e.s est dans la grande tradition des pièces américaines. C’est comme si Tracy Letts avait pris Arthur Miller, Eugène O’Neill, Tennessee Williams – tous les grands drames tragi-comiques de l’Amérique – et les avait mis ensemble» – René Richard Cyr
Un portrait vitriolé de l’Amérique
La pièce met donc en scène une famille qui se retrouve après la disparition du père. Suite à cet évènement malheureux, les trois sœurs sont de retour à la maison avec leur mère, alors qu’elles avaient toutes plus ou moins délaissé le nid familial depuis un certain temps. Sophie Cadieux, qui interprète la benjamine Karen Weston, explique: «C’est comme si, avec cette disparition, on rouvrait les blessures de la famille, ainsi que celles des conjoints des trois sœurs et de leurs propres dynamiques familiales!»
Entre drogue, quasi-agression, besoin d’amour, mensonge, enfant caché – et plus encore –, on assiste à une surenchère de révélations pendant ces retrouvailles où la tension ne cesse de croître. D’après Sophie, les comédiens ont bien senti que cette montée en intensité était l’enjeu principal de l’histoire, dès la première lecture: «Alors qu’on découvrait le texte ensemble, on riait beaucoup tout en étant extrêmement troublés. On savait que la scène du souper n’était pas un repas familial à proprement parler, mais plutôt tout ce qui se trame en dessous de ça, tout ce qui n’est pas dit et qui constitue une bombe à retardement.»
Créer l’étouffement entre les quatre murs du théâtre
Afin de renforcer l’ambiance électrique, le metteur en scène René Richard Cyr a cherché à créer une atmosphère asphyxiante sur scène. La maison familiale, laissée à l’abandon, a cessé d’être entretenue depuis le départ des enfants. Dès lors, les deux parents, tous deux septuagénaires, se sont contenté de boire et de prendre des médicaments. «Pour la scénographie, René Richard Cyr a donc vraiment voulu créer quelque chose d’étouffant, de très sombre. La musique donne un feeling sud-américain de l’Oklahoma. On entend, par exemple, du steel guitar et des airs lancinants qui évoquent autant la tension que l’ambiance des plaines!»
Sophie Cadieux, qui travaille pour la première fois avec René Richard Cyr, est très enthousiaste quant à son approche de mise en scène: «C’est quelqu’un de tellement passionné; il reçoit tous les personnages, il les porte en lui! Il nous aide toujours à développer notre sous-texte: il improvise des petits monologues, il sait nous guider sur l’intériorité au complet des protagonistes. Il fait confiance aux acteurs, mais il nous donne beaucoup de latitude pour y arriver. On est à la fois guidés, lovés mais libres!»
Une pièce où chacun se reconnaîtra
Il y a fort à parier que les spectateurs vont, d’une façon ou d’une autre, se reconnaître à travers la dynamique familiale de Disparu.e.s. Comme le souligne la comédienne, «Tracy Letts autopsie toute la famille et l’intime: ce qu’on conserve dans la dynamique familiale, ce pour quoi on abdique et ce qui nous révolte. Il y a forcément beaucoup de gens qui vont se retrouver là-dedans, avec leur propre vécu.»
Cette volonté de divertir tout en poussant le spectateur à se remettre en question est d’ailleurs l’essence même du théâtre. «C’est ce qu’on espère toujours faire lorsque l’on joue une pièce: amener les gens à s’y retrouver et à s’y perdre à la fois. Disparu.e.s traite de l’Amérique; on peut le voir comme une grande métaphore d’un pays ou d’une situation historique. Mais on peut aussi simplement voir ça comme l’occasion de raconter une histoire au public et de le sortir de son quotidien.»
Sophie Cadieux sera accompagnée, sur scène, de Marie-Hélène Thibault, Renaud Lacelle-Bourdon, Évelyne Rompré, Hugo Dubé, Chantal Baril, Yves Bélanger, Alice Dorval, Antoine Durand, Roger Léger, Guy Mignault, Christiane Pasquier et Kathia Rock.