MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : Sub Pop
Au sommet de ce succès populaire, on trouvait l’étiquette américaine Sub Pop, et bien sûr, son plus illustre représentant: le groupe Nirvana. Mais avant de faire exploser la planète avec la pièce «Smells Like Teen Spirit» en 1991, la bande à Kurt Cobain brisait la glace dans l’anonymat le plus complet avec Bleach, son excellent premier album. C’était en 1989, et une légende venait alors tout juste de naître.
606,17 $
Ou l’équivalent d’environ 1 250 $ aujourd’hui. Voilà ce qu’il en aura coûté au groupe pour enregistrer ce Bleach. Cassés comme des clous, les membres de Nirvana ont heureusement pu compter sur le prêt financier d’un certain Jason Everman, un ami et fan du groupe. Sans lui et sa grande générosité, qui sait si on connaîtrait tous ces morceaux aujourd’hui!
À l’époque, Nirvana était un quatuor au parcours un brin cahoteux, qui changeait constamment de batteur (Dave Grohl, aujourd’hui leader des Foo Fighters, n’était alors pas encore dans le décor). Mais l’énergie incroyable du groupe sur scène, particulièrement celle de Kurt Cobain, a fini par attirer l’attention du producteur Jack Endino.
C’est ce même Endino qui prendra les quatre gars de la formation sous son aile et qui les aidera à enregistrer leur première démo, la genèse de Bleach.
30 heures
La veille de Noël de l’année 1988, Kurt Cobain, Krist Novoselic et Chad Channing, accompagnés de leur bon ami Jason Everman en tant que deuxième guitariste, débutent l’enregistrement de l’album. Au jour de Noël, le 25 décembre et quelques 30 heures plus tard, Nirvana nous faisait l’honneur du plus beau cadeau qui soit.
Et ça commence comme une tonne de briques avec la chanson «Blew»! Déjà on sent tout le potentiel du groupe. On entend ce qu’Endino a probablement entendu à l’époque: une bonne guitare pesante, un son lourd mais jamais agressant.
Cobain se distingue déjà par ses paroles défaitistes et nihilistes. On sent assez rapidement les influences du chanteur, inspiré par des groupes comme Pixies ou encore Melvins. Puis, sur «Floyd the Barber», on nous raconte une séance de torture chez le barbier dans un morceau aussi explosif qu’expéditif.
Bleach prend ensuite une tournure plus pop, et Cobain nous révèle pour la première fois l’étendue de son talent: celui d’écrire des morceaux accrocheurs. Sur «About a Girl», il parle de sa relation houleuse avec sa petite amie de l’époque, au coeur d’un morceau qui aurait très bien pu figurer parmi leurs singles. Il l’aurait d’ailleurs composé alors qu’il passait la journée à écouter The Beatles en boucle.
«With Bleach, I didn’t give a flying fuck what the lyrics were about» – Kurt Cobain
Kurt Cobain l’admettait ainsi en 1993, les paroles étaient le cadet de ses soucis. La plupart d’entre elles ont été écrites la veille de l’enregistrement, dans un état plus ou moins contrôlé.
Qu’à cela ne tienne, l’énergie furieuse de Nirvana était suffisante pour faire de Bleach un album mémorable. Au final, c’est cette nonchalance qui forgera l’identité de la formation, et du grunge en général. La furieuse «Negative Creep» représente d’ailleurs un son grunge pur, une véritable démonstration de ce qu’allait devenir ce courant musical à l’aube des années 1990.
«Love Buzz», brillante reprise du groupe Shocking Blue, démontre également la capacité de Nirvana à s’approprier les morceaux des autres. Bref, on sent vraiment à quel point le groupe était dans une catégorie bien à part.
Une réédition payante
En 1992, Sub Pop surfait sur la vague du triomphe de Nevermind, la deuxième offrande de Nirvana, en rééditant Bleach. Les très nombreux et nouveaux adeptes ont ainsi pu (re)découvrir ce premier album cruellement passé sous le radar au moment de sa sortie. À ce jour, l’opus s’est écoulé à près de deux millions d’exemplaires aux États-Unis seulement.
Alors, que reste-t-il de l’album trente ans plus tard? Seulement un son qui allait poser les jalons du grunge et qui allait nous offrir des groupes tels qu’Alice In Chains, Pearl Jam ou Soundgarden (tous de Seattle!)
Bleach, en définitive, c’est un album puissant qui évoquait, dès sa sortie, le début d’un courant éphémère mais important dans l’histoire de la musique.