ThéâtreDans l'envers du décor
Crédit photo : Nicola-Frank Vachon
Nadine, d’où t’est venue la passion pour le théâtre et quel chemin as-tu parcouru avant de pouvoir y faire tes premiers pas professionnellement?
«Au tout début, j’ai commencé des études en cinéma et je ne connaissais pas du tout le théâtre. À l’époque, j’avais une coloc qui faisait des auditions pour entrer en Jeu à l’École de théâtre de Saint-Hyacinthe. Elle avait laissé traîner un programme sur la table de cuisine, et j’ai vu qu’il y avait un cursus Production plus axé sur la technique et sur la scénographie.»
«Je m’y suis beaucoup intéressée et je suis alors entrée à l’École de théâtre moi aussi. J’ai fait des études pendant 4 ans et, en sortant, j’étais assez polyvalente et spécialisée en techniques de scène – c’est-à-dire ce qui touche au son, aux éclairages, à la régie et à la direction technique.»
À quand remonte ton entrée au Théâtre de la Bordée, et dans quel contexte as-tu pris part à cette aventure?
«J’ai commencé à travailler avec des troupes de théâtre qui faisaient de la tournée. Avec elles, j’ai voyagé surtout au Québec et, parfois, à l’international. En tant que régisseuse et directrice technique des spectacles, j’étais accueillie par différentes salles, par les directeurs techniques des établissements. J’ai fait ça les dix premières années; puis j’ai fondé une petite famille, donc c’était plus difficile pour moi de partir.»
«À ce moment-là, j’ai eu l’opportunité de travailler à La Bordée, dans un théâtre à Québec qui me permettait de concilier vie familiale et théâtre. Ayant été moi-même reçue par diverses salles auparavant, mon expérience m’a permis de bien accueillir les gens à La Bordée, de comprendre leurs besoins et de reproduire un peu ce que j’avais vécu au début.»
En tant que directrice technique pour ce théâtre, quelles sont tes tâches quotidiennes?
«À La Bordée, en tant que producteur et diffuseur, on fait cinq créations par année. Donc, j’ai un peu deux chapeaux de directrice technique: celui des créations-productions – pour faire en sorte de superviser ce que les concepteurs techniques réalisent –, et celui de directrice technique de la salle – là, je dois engager les techniciens et m’assurer que l’équipement est en bon état.»
Peux-tu nous dire en quoi consiste principalement ton travail en atelier?
«On a un petit atelier dans le théâtre, mais ce n’est pas là que les décors sont construits. On fait affaire avec un constructeur externe pour les décors. Les scénographes construisent des plans ou des maquettes de ce qu’ils veulent et, par la suite, je m’assure de faire le suivi avec le constructeur pour que tout soit bien réalisé comme il faut.»
«Avec un suivi d’atelier, je vois aussi comment on va monter le décor sur scène, comment ça va être assemblé. Je prends part à la construction de cette façon, pour que ce soit le plus efficace possible quand le décor arrive en salle. Le petit atelier permet aussi de faire des corrections, des modifications ou des ajouts si nécessaire.»
Selon toi, quels sont les plus grands défis à relever chaque saison dans le cadre de tes fonctions?
«La plupart du temps, ce sont le manque de temps ou le manque d’argent. Lorsqu’il y a un problème technique à régler, je dois réagir très vite afin de trouver la solution. Et souvent, nous n’avons qu’une semaine pour tout installer! De jour, seulement, car le soir les comédiens sont sur la scène.»
«Les solutions rapides sont malheureusement coûteuses et ce n’est pas un secret: au théâtre, les budgets sont minces. Il faut souvent user de créativité avec les moyens du bord!»
Peux-tu nous parler de ton implication présente au sein du théâtre pour la saison 2019-2020?
«Depuis le mois de mai, on travaille sur la première production qui va commencer à la mi-septembre, Lentement la beauté. On a eu des réunions de production avec les concepteurs et le metteur en scène pour voir en quoi allait consister le décor, surtout parce que les répétitions ne commencent pas tant et aussi longtemps qu’on ne connaît pas quel va être l’espace de jeu.»
«Une fois qu’on a eu ces données, on a fait une «plantation» en salle de répétitions en juillet avec du tape pour que les comédiens puissent apprendre leurs déplacements dans l’espace scénique. Et la construction du décor, elle, a commencé au mois d’août: je m’occupe présentement de faire le suivi de ce côté.»
«On a aussi débuté les réunions pour le spectacle qui aura lieu en octobre; en fait, c’est le même processus à chaque spectacle de création.»
Comment ton poste de directrice technique t’amène-t-il à interagir avec les autres corps du métier du théâtre?
«Je suis en lien direct avec toutes les personnes qui travaillent sur la production. Je crois que la direction technique, c’est un peu le noyau central de la communication entre les concepteurs, pour essayer de mettre en valeur tous ces gens et leur travail.»
«Je ne me mêle pas de l’artistique et du jeu des comédiens, par exemple. Ce n’est vraiment pas de mon ressort. Je reste transparente par rapport à mes idées et à mes goûts, parce que les concepteurs engagés par les metteurs en scène sont là pour donner leur vision à eux. Je veux faire en sorte qu’on réalise leur propre interprétation artistique. Donc, je m’abstiens de donner des commentaires; sauf si ceux-ci vont être constructifs du point de vue de la technique et non de l’artistique.»
Avec les avancées technologiques de plus en plus développées et la recherche créative constante en termes de scénographie, d’espace scénique et d’installations immersives, as-tu déjà senti certains aspects de ton métier évoluer depuis tes débuts?
«Assurément, lorsque j’étais à l’école – à la fin des années 1990 –, les logiciels informatiques pour faire les plans de décor et d’éclairage commençaient à faire surface. J’ai donc eu plusieurs heures de cours pour apprendre à faire du dessin technique sur papier, mais je n’ai pas vraiment été formée à travailler avec ces logiciels.»
«J’ai dû m’adapter et apprendre par moi-même à travailler avec le numérique. Aussi, de nombreux appareils d’éclairage robotisés ont fait leur apparition. Il y a eu le début de la projection vidéo, qui prend d’ailleurs de plus en plus de place dans la scénographie théâtrale.»
«Je dois donc toujours me mettre à jour, je fais des petites formations une à deux fois par an pour suivre les avancées. Chaque année, j’ai aussi la chance de pouvoir engager des techniciens fraîchement sortis de l’école, qui sont très au fait en termes d’avancée technologique.»