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Crédit photo : Pat Beaudry
Dès 15h, une file interminable se dessine à l’entrée du Lolë White Tour. L’emplacement choisi cette année est idéal: un long terrain sablonneux entouré d’arbres sur l’île Sainte-Hélène, avec vue sur la grande roue du Vieux-Port. Le climat est tout aussi idéal: chaud et humide sous un ciel de lourds nuages bleus, et nous sommes chanceux!, pas une goutte de pluie! Et pas de boue au rendez-vous. Heureusement d’ailleurs, puisque lors de cet évènement si populaire auprès des Québécois, et bien connu pour ses photos aux tons de jaune et de blanc, une tenue blanche est de mise pour tous les participants.
La soirée a commencé à 16 h 30 avec une séance d’échauffement guidée par Slow Move Fitness. A suivi une séance de méditation immersive avec écouteurs guidée par Adam Mahmoud, mais pour les participants ayant payé pour l’expérience Sérénité Yves Rocher seulement. De même, un enclos délimite l’espace de yoga réservé aux VIP, ainsi qu’une terrasse où ces personnes plus importantes, ou fortunées (qui ont acheté leur billet à 165 $), ont accès à des bouchées, des massages et des divans.
Malheureusement, les divisions de la société, cette terrible machine économique, entachent même les évènements qui pourraient promouvoir la philosophie du yoga dans des villes comme Montréal, si privilégiée, et que l’on suppose assez évoluée. Ainsi, l’entrée de 65 $ inclut certes le tapis Lolë et un rabais chez Lolë, mais pas le vestiaire au coût de 10 $! Je n’aurais jamais cru qu’un casier puisse coûter aussi cher qu’un parking au centre-ville!
À 17 h 30, une nouvelle séance d’échauffement guidée par Slow Move Fitness nous attend. Puis, à 18 h 40, une séance de méditation collective guidée par Marie-Françoise Mariette. Malheureusement, l’ajustement sonore ne permettait pas aux participants éloignés de la scène principale où sont posés les haut-parleurs de bien entendre les consignes de l’enseignante.
Un peu plus tard, nous avons accueilli sur scène la pianiste néo-classique Alexandra Stréliski, que l’on peut écouter sur les albums Pianoscope (2010) et INSCAPE (2018). Ce second album compte déjà 35 millions d’écoutes en continu! C’est sur les notes méditatives de Stréliski que le dernier cours de yoga s’est tenu, dès 18 h 55.
La séance de yoga pour tous, pour riches et moins riches, a été offerte par Elena Brower. Celle-ci s’identifie comme maman, professeure, auteure des livres L’art de l’attention et Practice You: A Journal et créatrice des sites de pratique de yoga guidée glo.com et practiceyou.com. La voix douce et apaisante d’Elena a su guider en puissance les milliers de personnes présentes.
Mon coup de cœur fut sans contredit la classe de Julien Gagnon, professeur reconnu à Montréal pour son approche rigoureuse et méthodique, de même que son souci de transmettre les principes du yoga en favorisant l’autonomie de ses élèves. Son discours en français et tout en simplicité, ponctué de rires échappés et de blagues délicates, demeure tout de même inscrit dans la rigueur technique, dans le détail des rotations internes ou externes des membres, empruntant le vocabulaire physiologique «antéversions», mais vulgarisé avec esprit: «Les aines c’est la ligne de Speedo si on n’est pas sûr!»; puis s’adressant à l’une des enseignantes de la soirée: «Nadia, est-ce que t’as contracté ton fessier?»; pour expliquer un mouvement de rotation de la colonne, bras enlacés «les bras comme les machines à laver, les vieilles… les antiquités».
Erreur technique de l’équipe sonore ou choix artistique, les mots «Tadasana-a-a-a» sont entendus en écho-o-o, soutenus par les notes du piano; ils s’envolent vers le Saint-Laurent, jusqu’à l’île de Montréal, contribuant à créer une ambiance légèrement fanatique… mais, il faut l’avouer, émouvante.
«J’aimerais qu’on soit libre, ouvrez les bras, bougez les bras!» lance Julien, nous contaminant de son enthousiasme rigolo.
Malheureusement, à ce moment-là, assise à l’arrière de la foule, je remarque que probablement 99% des participants sont blancs, âgés de 25 à 65 ans, ont deux jambes et deux bras, et surtout, ont tous les moyens de payer une soirée de détente entre 65 $ et 165 $. Les kiosques et commanditaires de l’évènement (Yves Rocher, Spa Strom, Kashi, Lolë) connaissent cette clientèle: la bourgeoisie du baby-boom et leurs descendants. À ce moment, en tant qu’adepte du yoga, amoureuse de cette discipline véritablement accessible à tous, puisqu’elle ne requiert aucun espace ni matériel en réalité, mais seulement un professeur dévoué ou un livre bien conçu… à ce moment, donc, j’ai ressenti une profonde déception.
J’aurais aimé qu’un évènement de si grande envergure médiatique sache partager cette discipline si merveilleuse qu’est le yoga avec un échantillon représentatif de la population: enfants, adolescents, personnes âgées, issues de minorités ethniques et des Premières Nations, ou même souffrant d’un handicap… J’aurais aimé que le Lolë White Tour ne soit pas qu’un simple évènement marketing, mais réellement une occasion d’unir les gens de toutes les couches de la société, afin de leur offrir de nouveaux outils pour prendre soin de leur santé physique, psychique et spirituelle.
À 20 h 10, une partie des participants quittent, par paresse ou par peur de l’atelier de danse offert par Nadia Bonenfant, aux sons de DJ MAUS. Nadia, fondatrice de JUNA Yoga, une école de yoga et de bien-être pour femmes, animant des ateliers et des cours inspirés du libre mouvement où chacun cherche et trouve son rythme intérieur, a réussi le pari de faire danser les adeptes de yoga de Montréal et environs.
DJ Maus, alias Louise Gauvreau, musicienne clé de la scène montréalaise, explore de nombreuses formes de house et de techno, avec un groove constant et une touche funky. Nadia et elle ont réussi à faire bouger nos apprentis yogis sur la piste de sable de l’île Sainte-Hélène. Un peu trop tôt, la danse prend fin: «On retourne à son tapis. On va se mettre à quatre pattes… Vous savez où on s’en va. On va écarter les genoux…» Ai-je l’esprit mal tourné ou sur un air de fête les mots ont de vrais doubles sens… hihihi!
Grâce à l’animation de Nadia Bonenfant et DJ Maus, la soirée Lolë White Tour se termine dans la joie, le rire et la danse, sur fond de ciel violet et le beat afrohouse, nous rappelant la chance que nous avons de vivre dans notre belle métropole multiculturelle aux mesures du moins un peu socialistes… et d’être si bien nantis.
L'évènement Lolë White Tour 2019 en images
Par Pat Beaudry