LittératureDans la peau de
Crédit photo : Chantale Gingras
Steve, comment s’est révélée ta passion pour l’écriture et y a-t-il des auteurs qui t’ont donné spécifiquement envie de te tourner vers le genre policier et le thriller?
«C’est en découvrant Stephen King à l’âge de 15 ans que j’ai été attiré par les rouages de l’écriture: écrire consiste à séduire et à manipuler le lecteur, et je sentais bien que les écrivains que je lisais à cette époque le faisaient bien.»
«Plus tard, après une vingtaine d’années consacrées au fantastique, j’ai découvert un appétit pour la littérature policière, qui était plus réaliste mais tout aussi noire. Ce genre m’a parlé dès le début. Avec le temps, j’ai découvert les Grangé, Lehane, Winslow, Ellis, Michaud…»
«En parallèle, j’avais compilé des notes, des idées de récits; et j’ai décidé de me mettre à l’ouvrage en 2013, une dizaine d’années après avoir eu l’idée de départ de mon premier roman, Le Chercheur d’âme. Dès l’écriture de la première phrase, je me suis senti à ma place.»
Qu’est-ce qui t’a amené à enseigner toi-même la littérature au Cégep de Sainte-Foy et comment décrirais-tu ta pédagogie?
«J’ai eu la chance de savoir très tôt, alors que j’étais moi-même étudiant en littérature au cégep, que j’avais envie de transmettre cette passion pour l’écriture, pour la lecture.»
«J’enseigne au niveau collégial depuis 1998, au Cégep de Sainte-Foy depuis 2001. Mes élèves disent que je suis un professeur passionné par sa matière. J’aime l’intelligence, la créativité, l’audace, et ça se reflète dans les œuvres que j’enseigne.» «J’ai une pédagogie qui est très orientée vers l’acquisition d’éléments de culture générale, entre autres parce qu’on vit à une époque où cette culture n’est plus valorisée. Aujourd’hui, les téléphones soi-disant intelligents font l’essentiel du travail, ils constituent presque un cerveau auxiliaire, capable de souffler les réponses à la plupart des questions qu’on se pose.»
«J’essaie donc de lutter contre ça, dans la mesure du possible, en préconisant un retour à l’organique: le livre, les mots, le cerveau.»
Le 10 avril dernier, ton nouvel ouvrage Sous un ciel d’abîme est paru aux Éditions de l’Homme. Comment l’idée de départ t’est venue en tête et comment s’est passé le processus d’écriture, jusqu’à la finalisation complète de l’histoire?
«Il ne serait pas pertinent d’évoquer le concept de départ, puisqu’il a énormément changé entre l’étape de l’idéation et le résultat que le lecteur tient entre ses mains aujourd’hui.»
«Je me suis un peu laissé prendre au jeu de l’écriture et, de fil en aiguille, le roman est devenu une histoire bellement complexe. Pour cette raison, l’écriture de ce roman s’est avérée plus difficile que celle du premier. D’une part, la structure m’a joué des tours puisque je raconte deux histoires en parallèle qui se rejoignent à la fin. Le projet était ambitieux puisqu’il y est question de gangs de rue, d’extorsion pratiquée de manière très organisée…»
«On trouve une intrigue fermée (c’est-à-dire résolue à la fin), mais aussi une intrigue parallèle qui traverse le premier roman et qui est développée dans le deuxième, puis qui teintera aussi le troisième et qui devrait trouver sa résolution dans le quatrième roman de la série. La première version de Sous un ciel d’abîme était si complexe qu’il a fallu tout réorganiser. Ce roman a nécessité trois ans et demi de travail.»
Si on se base sur ce tout nouveau livre, quels sont les éléments que tu as mis en place pour bâtir une trame narrative solide pour tout amateur de suspense et de sensations?
«Je travaille beaucoup sur les personnages. J’essaie de les ancrer, de les enraciner en leur donnant un passé qui leur est propre, qui détermine beaucoup ce qu’ils sont devenus. Je travaille aussi sur leurs motivations: Pourquoi agissent-ils de la sorte? Que convoitent-ils et dans quel but?»
«Ensuite, j’établis la macrostructure du roman. Je veille à laisser le moins de répit possible au lecteur, en tentant de le surprendre, de le garder en haleine – notamment en faisant en sorte que certains chapitres se terminent sur un moment fort, un élément de surprise. Ma connaissance de la narratologie m’incite aussi à jouer parfois avec la perspective, à frustrer le lecteur du fait que, par moments, les personnages en savent plus que lui…»
«Je me sens très influencé par les séries télé, dont je suis un grand consommateur. J’aime qu’il y ait du rythme, le moins possible de lenteur. C’est important dans le thriller contemporain: le lecteur est de moins en moins patient et il doit savoir, dans les 25-30 premières pages, dans quoi il s’embarque. Pour cette raison, j’ai l’habitude d’écrire un chapitre initial marquant, qui donne envie de lire la suite.»
Si on te donnait carte blanche, lequel de tes livres aimerais-tu voir porté à l’écran, par quel réalisateur et pourquoi?
«Aïe… c’est comme avoir à choisir entre mes deux enfants. Je suis satisfait des deux romans, et je crois que tous deux pourraient être adaptés à l’écran.»
«Tiens, plutôt que de choisir entre deux romans, je vais choisir entre deux médiums: j’opterais certainement davantage pour une série télé plutôt que pour un film. Les deux romans ont une ambiance glauque, une forte tension.»
«Pour ce qui est du réalisateur, ça ne coûte pas cher de rêver: Podz, Patrice Sauvé, Robin Aubert… je les aime beaucoup. Il faudrait quelqu’un d’un peu sale, qui graffigne.»