«Cité Contact» à la salle Fred-Barry: l'impossible rapprochement – Bible urbaine

ThéâtreCritiques de théâtre

«Cité Contact» à la salle Fred-Barry: l’impossible rapprochement

«Cité Contact» à la salle Fred-Barry: l’impossible rapprochement

Publié le 13 janvier 2011 par Éric Dumais

C’est hier soir que j’ai eu la chance d’assister à la pièce Cité Contact, une odyssée spectaculaire au centre de l’individu et présentée par la Fabrique Métamorphosis, en codiffusion avec le Théâtre Denise-Pelletier.

Les préliminaires

Avant même d’entrer dans la salle Fred-Barry, le mot d’ordre était donné: «Veuillez éteindre les cellulaires pendant la représentation et laisser toute nourriture à l’extérieur de la salle. La pièce dure environ une heure et…»

…et c’est à ce moment précis qu’un homme, dans la soixantaine, a demandé avec un trémolo dans la voix: «Y a-t-il un entracte?»  «Non, pas d’entracte.»

Seulement une heure de pur plaisir sans interruption…

Que le spectacle commence

Alors que la centaine de spectateurs avaient éteint leurs cellulaires, LUI (Oliver Koomsatira) était assis sur une chaise, appareil en main, et prenait un malin plaisir à écrire (ou texter) à son amie ELLE, qui lui répondait presque aussitôt. Leur conversation (anodine et exagérée) était diffusée sur l’écran géant situé derrière eux, ce qui permettait au spectateur de bien suivre le déroulement de la conversation ainsi que les faits et gestes des deux comédiens. C’est à peine quelques instants plus tard qu’ELLE (Myriam Tremblay) est apparue sur la scène, tout en mouvements et en subtilité, dans l’intention précise d’attirer l’attention de LUI, qui était fort préoccupé à pianoter sur son cellulaire. Et malgré la magnifique chorégraphie de la jeune femme, rien n’a pu sortir LUI de sa torpeur, sauf lorsqu’elle lui a parlé près de l’oreille…

ELLE veut attirer l’attention de LUI

La pièce Cité Contact présente deux individus menés par la peur et déchirés entre leur besoin de dépendance et d’isolement. Et au fond d’eux-mêmes, ils ressemblent à n’importe quel individu : ils veulent, eux aussi, ressentir la chaleur d’une caresse, la tendresse d’un baiser, mais ils sont constamment apeurés par les différentes barrières imposées par la vie. ELLE, à un certain moment, va essayer d’attendrir LUI, dans une chorégraphie minimaliste et délicate fort agréable au regard, en lui caressant les cheveux, en tournant autour de LUI, en le suppliant, en vain. LUI demeure de marbre devant le jeu de séduction d’ELLE, pourtant si sincère. ELLE va finalement le chatouiller et lui soutirer un léger rire, qu’il va tenter de réprimer à son grand désarroi.

Moments clés de la pièce

Les chorégraphies des deux danseurs sont tout simplement renversantes, autant au sens propre que figuré. À la base, l’intention de la conceptrice Héloïse Depocas était de créer une chorégraphie du vertige, où le déséquilibre, montré par la scénographie, représentait le reflet de notre humanité fragilisée par les non-dits et les obstacles de la vie. Et d’ailleurs, l’un des plus beaux moments de la chanson demeure celui où ELLE tente d’échapper à LUI, dans une course (sur place) presque hypnotisante, au cours de laquelle le décor (animations en 2D et 3D) change souvent pour marquer les divers lieux. La course entre les deux comédiens était si réelle que l’on avait presque l’impression d’y participer…

Mais le plus beau moment demeure celui où la pièce Shempi, tirée de l’album LP3 de la formation brooklinoise Ratatat, a retenti dans les haut-parleurs de la salle Fred-Barry. C’était tellement inattendu que c’en était presque féérique. ELLE est arrivée sur scène, vêtue d’une jolie robe et d’un brin de rouge à lèvres, exactement comme si elle participait à un défilé de mode. Elle s’est mise à dévisager l’assistance, à prendre des pauses de mannequin, et… à éclater d’un rire pour le moins tonitruant! L’instant était quasiment gênant pour nous, spectateurs. ELLE riait, riait et riait, incapable de s’arrêter une seule seconde. Elle a fini par se calmer, le regard complètement perdu. Étrange… elle ressemblait à un animal-humain (pour reprendre les termes de la directrice artistique) désemparé, cloué dans sa solitude, voire dans son isolement.

Cité Contact, en somme, est une pièce minimaliste qui ne s’éparpille guère dans les fioritures : le décor est fort simpliste (des rideaux déplacés par les comédiens eux-mêmes, une chaise, une boîte en bois), les animations 2D et 3D, quoique très épurées, permettent au spectateur d’apprécier davantage les lourds moments d’intensité, et la musique, parfois calme, parfois tragique, accompagne à merveille l’atmosphère de chaque scène.

Réussiront-ils à s’unir pour le meilleur et pour le pire?

Mystère… Vous avez du 13 au 29 janvier pour assister à la pièce Cité Contact, présentée à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Notez que la pièce commence à 19h30 et que les retardataires ne sont pas admis. Bon théâtre!

Appréciation: ***1/2

Crédit photo: Tous droits réservés

Écrit par: Éric Dumais

Vos commentaires

Revenir au début