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Crédit photo : Mathieu Pothier
Accompagné de 16 musiciens et de deux choristes, l’auteur-compositeur-interprète Alexandre Désilets s’est montré sur scène avec une fierté évidente. Immobile pendant une longue introduction parlée, préenregistrée, durant laquelle l’artiste nous invitait à «s’abandonner dans l’œil de l’ouragan» – cet œil serait-il l’unique toile de projection ronde en plein centre de la scène, derrière le chanteur, sur laquelle seront projetés tout au long du spectacle des animations diverses allant d’images de fruits à celles de statues d’anges? -, il n’a pas manqué de nous expliquer sa vision du fameux Windigo, qui sommeillerait selon lui en chacun de nous. Cette soirée était donc le moment parfait pour l’accepter et le célébrer, même.
C’est bien ce qu’ils ont fait, les trois musiciens de la section des cuivres, les deux percussionnistes, le pianiste, le contrebassiste et bassiste, les quatre musiciens de la section des cordes, les quatre autres de la section des vents, le guitariste, les deux choristes ainsi que le chanteur. Il y avait du monde à la messe, et ça devait faire longtemps que l’Église du Gesù, au-dessus de l’amphithéâtre, avait vu autant de gens sur sa scène! Pourtant, tous autant qu’ils étaient, chacun des musiciens a brillé à un moment ou à un autre de la soirée, apportant sa contribution essentielle et comblant un vide que lui seul pouvait combler.
C’est la beauté des arrangements de François Richard (aussi pianiste et directeur musical pour l’occasion, mercredi): ils contiennent un souci du détail impressionnant, et savent mettre en valeur chaque nuance et variation de sonorités des instruments qui composent son orchestre. Si ce ne sont pas les violons aux longues notes tenues et le violoncelle durant «Si loin», ce sont les percussions qui héritent d’un solo endiablé pendant «Renégat» ou encore la clarinette basse et le basson qui offrent une belle et grave présence au cours de «Plus qu’il en faut».
Sans compter le fait que les instruments suivent la plupart du temps très bien la mélodie de la voix du chanteur, ce qui témoigne d’une belle adaptation et d’un grand respect des compositions originales. Aussi bien accompagné, Alexandre Désilets n’a pu que se laisser aller et être tout à fait à l’aise, dans ses vieilles pantoufles, dans son chez-lui. Beau à voir aller, y allant ici de quelques pas de danse et là, de mouvements des bras comme pour conduire l’orchestre ou, à tout le moins, encourager ses envolées, l’artiste a fait preuve d’une belle fougue, tout en se montrant par moments très touchant. Tout au long, il a offert une interprétation sentie et incarnée, donnant par le fait même certaines images saisissantes et puissantes.
Des morceaux comme «Gloire du matin», la très, très belle et très, très appréciée du public «Tout est perdu» ou «Le repère», ont été reconnaissables dès leurs premières notes, et n’ont pas déçu. D’autres, comme la douce et sincère «Rejoins-moi», gardée très simple sans piano, sans vents, sans cuivres et avec des percussions très dosées, mais avec une présence très sentie de la guitare acoustique sèche et des cordes solennelles, a été l’une des premières à véritablement se déployer autrement et à permettre de porter un regard nouveau sur son texte.
Si l’accent a aussi été mis sur la voix et le texte durant des pièces comme la toute calme «J’échoue», la plus belle surprise de la soirée aura malgré tout été l’interprétation tout à fait enlevante de «Les prévisions», au début presque inquiétant, alors que Robbie Kuster et Alexis Martin semblaient s’adonner à de l’exploration de sons aux percussions, que les cordes pincées de la contrebasse ravissaient, et que les projections ahurissantes montrant des silhouettes de Désilets elles aussi plutôt inquiétantes se déchaînaient derrière le chanteur.
L’artiste n’a pas donné dans la demi-mesure, tout comme les arrangements de François Richard, qui ont permis d’obtenir une musique grandiose et magnifique. En revanche, bien que le but premier du projet Windigo était de mettre la voix à l’avant-plan, la musique orchestrée faisait parfois en sorte que la voix se perdait, comme lors de «L’éphémère», lorsque tous les instruments s’envolaient ensemble, s’emportaient. Cette chanson n’a pas manqué, malgré tout, de susciter une réaction plus qu’enthousiaste du public, qui est même allé jusqu’à se lever pour applaudir le chanteur, qui a dirigé de main de maître ses musiciens pour conclure la pièce.
«Le repère» a montré un Désilets très théâtral dans son interprétation, «Changer d’air» s’est révélée méconnaissable au départ et «On sème» a dévoilé des rythmes presque dansants, mais ce qu’il est important de retenir du spectacle-lancement de l’album Windigo d’Alexandre Désilets, c’est que quand on travaille bien, avec détermination mais dans le plaisir, on réussit à acquérir certaines compétences et à accomplir de grandes choses. Et placé devant une foule comble au Gesù mercredi soir, l’artiste a dévoilé ses nouvelles-anciennes compositions avec l’aisance d’un poisson dans l’eau, parce que c’est ce qu’il a accompli: il est passé maître de son art.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. J'oublierai
2. Si loin
3. Renégat
4. Plus qu'il en faut
5. Perle rare
6. Gloire du matin
7. Rejoins-moi
8. Tout est perdu
9. Les prévisions
10. Hymne à la joie
11. J'échoue
12. Le repère
13. L'éphémère
14. Changer d'air
15. Pavé comme appui
16. On sème
17. (Chanson inédite)