Entrevue avec Pierre Guénard de Radio Elvis – Bible urbaine

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Entrevue avec Pierre Guénard de Radio Elvis

Entrevue avec Pierre Guénard de Radio Elvis

L'ivresse de l'écriture au service du rock

Publié le 14 juin 2016 par Benjamin Le Bonniec

Crédit photo : Gracieuseté

Propulsés sur le devant de la scène en 2014 avec la sortie du EP Juste avant la ruée, les bourlingueurs de Radio Elvis poursuivent sans répit leur marche en avant. Fort d’un premier album, Les Conquêtes, lancé au début du printemps, ils arrivent à l’assaut de l’Amérique pour une mini-tournée avec, comme point d’orgue, cette édition 2016 des FrancoFolies de Montréal. Rencontre avec Pierre Guénard, l’homme comblé et accompli derrière les textes de ce trio de rockeurs, qui se produira mercredi en première partie des vieux briscards de Louise Attaque au Métropolis et, jeudi soir sur la scène Loto-Québec, accompagnés de ses acolytes Colin Russeil (batterie) et Manu Ralambo (basse).

Le petit milieu du rock français vit une période faste depuis quelques années et l’année 2016 semble à elle seule confirmer tout le bien que l’on pensait de cette nouvelle génération de musiciens français qui, dans la foulée de FAUVE ou Frànçois & the Atlas Mountain, se portent les garants d’une langue française à la musicalité pas toujours assumée en métropole.

Depuis quelque temps, deux groupes semblent pourtant sortir du lot, les parisiens de Feu! Chatterton, qui ont enflammé le Club Soda vendredi passé, et ces savants vagabonds de Radio Elvis, encore largement méconnus ici. Parce que, finalement, à mi-chemin dans cette année 2016, force est de constater que le trio en «Perfecto sur marinière» semble tirer son épingle du jeu de l’autre bord de l’Atlantique, grâce au soutien enthousiaste de la presse et du public.

«On est très contents, surtout très gâtés. L’album a reçu un très bel accueil de la presse et ça se ressent sur le public qui se densifie un peu plus à chacune de nos apparitions. On sort d’une période où l’on a multiplié les dates avec, notamment, un gros Printemps de Bourges, puis on a cette chouette tournée cet été avec ce passage à New York et ici à Montréal.»

L’histoire semble bel et bien tout droit sortie d’un rêve, ou plutôt d’un de ces récits mythiques et passionnés qui a guidé la plume du jeune compositeur. Se positionnant comme l’un des groupes français les plus érudits depuis, peut-être, le sage Dominique A, Pierre Guénard s’inspire dans ses textes des pérégrinations vagabondes des deux Jack, London et Kerouac, d’Hemingway ou encore de Pierre Loti, Camus et Saint-Exupéry. « Pourtant, je n’ai pas lu tant de livresque ça», se défend-il. «J’en achète beaucoup, ça ne veut pas dire pour autant que je les lis. Mais il vrai que je m’inspire beaucoup de ce que j’ai lu.»

Cette affiliation littéraire, même si elle se présente comme la véritable clé de voûte de son écriture, n’en écarte pas moins les diverses inspirations, du cinéma au voyage, en passant par les multiples influences musicales. «Je crois qu’il n’y a rien de voulu dans notre musique; ce n’est pas réfléchi. C’est juste du vécu, que ce soit du cinéma, des livres, des voyages». D’un point de vue musical, même si la verve anglo-saxonne se fait ressentir notamment dans leur attrait pour ces groupes qui leur ont donné envie de faire de la musique comme Sonic Youth, Arcade Fire ou LCD Soundsystem, la formation affiche clairement son attachement à des références rock françaises, d’Alain Bashung à Bertrand Belin.

Un rock au service du français, sans parti pris

C’est ainsi sans parti pris que Radio Elvis s’affirme, au fil des mois, comme l’un des fers de lance de ce renouveau du rock français, dans un rock littéraire sans prétention. «J’espère qu’on y met pas trop d’intellect’», ironise Pierre, pour qui l’idée de départ, le rêve de gosse, était celui, inévitable, d’avoir un groupe de rock avec, donc, ses influences très anglo-saxonnes, mais pour qui faire usage de la langue française était naturel.

«Nous, si on pouvait être Nick Cave, ou Arcade Fire, on chanterait évidemment en anglais. Le but, c’est de coller aux basques de nos idoles comme n’importe quelle personne qui fait de la musique. Après, le vrai objectif, c’est de trouver son identité, sa vraie personnalité, de se révéler à travers ça. Il se trouve que notre langue, c’est le français. Tous les groupes qu’on aime chantent dans leur langue, nous aussi on chante dans notre langue, on ne va pas la changer. Si un jour on a envie de chanter en anglais, on le fera avec plaisir, mais ça sera conscient et voulu pour servir un propos artistique et non pour des raisons d’exportations ou de facilité.»

La venue dans cette Montréal anglophone, la ville où musicalement tout est possible, apparaît dès lors hautement significative pour Pierre, Colin et Manu. «On est grave excité. Déjà, c’est la ville d’Arcade Fire, un groupe important pour nous, même si les Québécois semblent en avoir marre. On est content parce que c’est l’Amérique; c’est mythique et avec cette ouverture d’esprit qu’on n’a pas en France, où il faut montrer qu’on est intelligent pour écrire des textes et faire de la musique».

Radio Elvis se fraie donc un chemin singulier dans les dédales sinueux de cette scène rock française parfois confuse et indécise, en nous embarquant dans ce périple sur la route, pendant les moissons ou au détour d’une pyramide, avec comme point d’orgue cette traversée majestueuse vers le Brésil. Aussi, la puissance folle évoquée à travers cette odyssée majestueusement symbolique qu’est leur premier album présente les contours d’un groupe généreux, doué et surtout conquérant qu’il nous tarde de voir sur scène.

Et si l’on en croit les échos venus de l’Hexagone, il se pourrait même que les trois jeunes hommes soient en passe de «chiper» la vedette aux aînés fébriles de Louise Attaque, voire d’étouffer légèrement le passage de leurs comparses Feu! Chatterton la semaine passée, dans le déploiement de ce rock poétique, initiatique et littéraire.

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