ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Fabrice Gaëtan
Zéro de conduite, une adaptation très libre du film de Jean Vigo datant de 1933, nous immerge dans la routine un peu ennuyante d’un camp de vacances, où les journées se succèdent et semblent se ressembler.
Un moniteur, embauché pour animer des ateliers musicaux, ne connaît aucune chanson de camp, et n’a pas beaucoup de talent. Soleil, la directrice du camp (méconnaissable Macha Limonchik), prend un certain plaisir à humilier les enfants. Ces derniers trouvent le temps très long, et se prélassent dans la chaleur estivale en attendant que leur séjour se termine.
Une provocation de trop de la part de Soleil servira d’élément déclencheur pour faire basculer le mince équilibre du camp dans un joyeux chaos…
On pourra sans hésiter ajouter cette production à la longue liste de nos mises en scène favorites de Jérémie Niel, qui comprenait déjà en bonne place des œuvres inoubliables, telles que La Campagne (Théâtre Prospero, 2016) et Noir (Théâtre du Quat’Sous, 2019).
Voici une autre jubilatoire collaboration entre Niel et de la Chenelière, qui recréent l’univers onirique et légèrement anxiogène du camp d’été de nos enfances!
Éric Forget signe une conception sonore à la fois enveloppante et inquiétante qui prend une importance capitale pendant les courts interludes qui marquent les changements de scène, alors que le public est plongé dans l’obscurité et enveloppé de tonitruants sons d’ambiance.
La vision est totale, l’expérience courtise (presque) tous nos sens. Les scènes immersives, comme celle où le camp se retrouve plongé sous une pluie diluvienne, proposent les atmosphères les plus réussies auxquelles nous avons pu assister depuis fort longtemps.
La quantité d’éléments rafraîchissants que comporte cette production est élevée et, parmi eux, se trouve le réjouissant recours à des interprètes enfants et adolescents. Un humour noir et imprévisible surgit ici et là dès le début du récit, mais, une fois que le pouvoir est renversé, on se retrouve dans la célébration la plus totale.
Cette finale, probablement ce qu’on a vu de plus audacieux sur les planches cette année, aussi inattendue que facétieuse, nous rappelle qu’il y a rarement de rébellion sans joie, et que l’ordre établi mérite – souvent – quelques taloches. Ou, du moins, qu’on vire tout à l’envers pour mieux recommencer.
Et c’est la question que semble poser l’équipe de création de ce merveilleux spectacle: pourquoi sommes-nous toujours si sages et obéissants, alors que c’est dans le désordre que l’on donne naissance aux idées les plus percutantes?
La pièce «Zéro de conduite» au Théâtre Espace Libre en images
Par Fabrice Gaëtan
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