ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Michel Emery
Kurt et Olga sont deux enfants gâtés à l’aube de l’adolescence, et qui sont majoritairement laissés à eux-mêmes par des parents (trop) permissifs. Kurt possède un équipement de DJ qu’il ne maîtrise que partiellement, et Olga passe le plus clair de son temps libre à dormir. Leurs corps se transforment, et ils n’en comprennent pas toujours immédiatement les implications. Kurt, en particulier, a du mal à assimiler le concept du sang menstruel, surtout lorsqu’il est confronté à celui de sa mère, un bon matin dans la salle de bain. Il commencera aussi à éprouver une étrange sensation dans le bas-ventre en regardant sa sœur en camisole.
Il y a des adolescences plus difficiles que d’autres, et celle de Kurt nous donne froid dans le dos. Ses parents trouvent un cadavre d’oiseau enroulé dans du papier et brûlé dans le garage, et décident de ne pas lui en parler en espérant que «ça lui passera».
Ces parents, que l’on entend uniquement en voix off et dont les interprètes ne sont pas présents, deviennent rapidement un procédé narratif original et parfois déroutant, une forme de commentaire éditorial sur les choix de vie discutables de leur progéniture.
La scène est aménagée comme un sous-sol d’adolescents, mais on apprend au fil des dialogues que les quartiers des enfants-rois sont situés à l’étage. Outre des petites longueurs se glissant ici et là, la mise en scène de Laurence Castonguay Emery est imaginative et feutrée, et on ressent une très forte complicité entre Solo Fugère et Marie Fannie Guay, les deux interprètes. Généreux et impudiques, ils rendent bien les subtilités d’un lien filial, avec de multiples jeux de pouvoir et une sexualité trouble.
Entrent donc en collision un vinyle de la version doublée du Roi Lion, des personnages extérieurs qui sont représentés par des immenses animaux en peluche, de l’inceste, de la pyromanie, des caprices d’enfants-rois et un isolement malsain qui mènera à l’irréparable. Un destin tragique et violent qui nous rappelle que lorsqu’on est replié sur soi-même, l’effet d’entraînement peut nous mener très loin.
Les cicatrices que laisse sur une peau adolescente une brûlure servent ici de métaphore aux blessures d’une enfance négligée, et certaines des images les plus frappantes vues dans Visage de feu nous hanteront bien longtemps.
L'événement en photos
Par Michel Emery
L'avis
de la rédaction