ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Valérie Remise
Unité modèle est une parodie des présentations immobilières ultradynamiques offertes par des promoteurs ambitieux et pourvus d’un certain budget. L’homme et la femme qui nous introduisent les unités de Diorama, un conglomérat qui fait dans le «tout inclus» – complexes prémeublés avec accès à un gym, une piscine, parfois même une garderie – entrent en scène d’un pas décidé et s’adressent directement à l’audience. Le spectateur devient donc l’acheteur prospectif, l’objet de séduction, le portefeuille ambulant.
Patrice Robitaille y interprète un vendeur de condos déshumanisé dont tous les gestes et paroles sont destinés à charmer son auditoire, dont la présentation est rôdée comme une montre Swatch Suisse de prestige. On a droit à des projections alléchantes, des descriptions immobilières quasi pornographiques, qui décrivent sensuellement les matériaux disponibles à l’acheteur, et qui forment une succession de clichés dont les médias nous ont dernièrement trop abreuvés, provoquant beaucoup de rires et de malaises dans l’auditoire.
Son acolyte, interprétée par Anne-Élisabeth Bossé, le complète parfaitement, jusqu’à un certain point. Son aplomb flanche, elle oublie certaines parties de son discours mécanique, et des «anomalies» se glissent dans la présentation. On sent bien que les réflexes d’improvisation du duo sont excellents, qu’ils permettent à leur spectacle de se poursuivre avec fluidité, mais pour combien de temps?
Guillaume Corbeil a écrit un texte percutant sur la société de consommation et le «paraître», avec juste assez de distance critique et d’humour. On se sent d’abord amusés par la flamboyance du spectacle qui nous est offert, et on se pose ensuite beaucoup de questions. À quoi riment les petits incidents, de plus en plus incompréhensibles, qui se déroulent sous nos yeux? Quelle est la relation réelle entre les deux protagonistes? Qui a envie de passer sa vie entière dans ce complexe digne d’un film de David Cronenberg?
La conclusion de la pièce illumine le drame interne qui se tramait depuis le début, fournissant une explication un peu incertaine, qui souligne à gros traits le propos: l’endettement du québécois moyen est à un niveau incroyable, on nous bombarde plus que jamais de publicités constantes, et la pression sociale ambiante nous pousse à se procurer des choses dont nous n’avons pas toujours forcément besoin.
Un constat actuel, une pièce divertissante, originale et haute en couleur, et un texte aussi percutant que précis.
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de la rédaction