«Une vie pour deux» d’Evelyne de la Chenelière à l’ESPACE GO – Bible urbaine

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«Une vie pour deux» d’Evelyne de la Chenelière à l’ESPACE GO

«Une vie pour deux» d’Evelyne de la Chenelière à l’ESPACE GO

Incarner brillamment les mots

Publié le 23 octobre 2013 par David Bigonnesse

Crédit photo : Caroline Laberge

Des vacances en Irlande afin de rétablir la communication amoureuse. Voilà ce qui pourrait aider Simone et Jean qui sont rendus à vingt ans de vie de couple. Cette entreprise sera toutefois dérangée par une femme qui s’immisce entre eux. Une morte. Mary, de son prénom, va contribuer à faire éclater l’univers physique et psychique du couple, qui ne s’attendait pas à vivre de telles vacances…

Adaptée par la dramaturge et comédienne Evelyne de la Chenelière d’après le roman de Marie Cardinal, Une vie pour deux (La chair et autres fragments de l’amour) a été soulignée à grands traits l’année dernière au Théâtre ESPACE GO. Toujours dans une mise en scène créée par Alice Ronfard, fille de l’auteure Marie Cardinal, la pièce est présentée dans un décor épuré (quelques chaises et une plateforme tel un socle) qui laisse toute la place à la performance des acteurs. Violette Chauveau, Jean-François Casabonne ainsi qu’Evelyne de la Chenelière incarnent ainsi respectivement Simone, Jean et Mary dans une intensité performative à souligner. Les comédiens jouent avec les émotions, les montagnes russes d’émotions faudrait-il dire, des histoires inventées et l’amour d’une certaine souffrance. Parce que cette dernière est alimentée par la vie de Mary, un «mystère», qui s’impose de plus en plus entre les deux protagonistes principaux.

Il faut rappeler que la pièce, adaptée du roman du même nom, est grandement inspirée d’un fait vécu, celui du couple Jean-Pierre Ronfard et Marie Cardinal: la découverte du corps d’une jeune femme en Irlande à la fin des années 70. C’est peut-être ce qui explique autant le réalisme qui se dégage de cette pièce. Même si la fiction joue sur le même plan que la «réalité», le spectateur est réellement plongé dans la nouvelle obsession du couple. Jean a découvert cette femme sur la plage et le désir d’en connaître plus sur sa vie mènera les vacanciers sur le chemin de la dérive. En fait, Simone n’hésite pas à affirmer tout haut sa jalousie envers cette Mary qui a la particularité d’être «mystérieuse» comme elle répète plusieurs fois. Il semble que cette caractéristique séduit Jean. C’est en se questionnant sur son passé et ses désirs que les deux amoureux feront ressortir les failles de leur relation. La gradation de la pièce ne sera qu’ascendante.

Violette Chauveau représente ici la femme qui envie l’autre, qui désire être à la place de cette morte parce qu’elle attire son Jean. Ce dernier, interprété par Casabonne, offre une belle performance, mais brille un peu moins que les deux comédiennes. Bien que fantomatique, Mary se transforme au fil du temps en un personnage aussi réel que les autres. Elle brouille la réalité et émerge ainsi de la création purement fantaisiste. Dans cette interprétation, la comédienne Evelyne de la Chenelière dégage une sensualité hors du commun et réussit à envoûter le public dans ce rôle particulier d’une morte qui est ressuscitée grâce à l’inventivité des deux autres protagonistes.

La grande force de cette pièce est aussi attribuable à l’intensité du texte de la dramaturge. Le spectateur découvre tout le travail de la langue et de la structure des voix à l’intérieur de cette écriture en profondeur que nous a habitués Evelyne de la Chenelière. En revanche, dans cette composition du texte, il s’avère possible de se perdre dans le déroulement des évènements. Les postures psychiques et états physiques des personnages peuvent parfois mêler le tableau déjà complexifié par la présence de l’imagination et du réel. Nul doute qu’Une vie pour deux vaut la peine d’être vue pour la performance des comédiens ainsi que pour la qualité du travail de la dramaturge et de la metteure en scène.

Une vie pour deux (La chair et autres fragments de l’amour) est présentée au Théâtre ESPACE GO jusqu’au 2 novembre 2013. Pour de plus amples informations, veuillez consulter le espacego.com.

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