ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marlène G.Payette
Le Théâtre Espace libre est la maison du Nouveau Théâtre Expérimental (NTE), qui y présente une bonne moyenne d’un spectacle par année depuis sa création en 1979. Leur plus récente création se dévêt enfin de sa malédiction, ayant été reportée à deux reprises par la pandémie depuis sa date de diffusion originale, prévue en 2020.
Et c’est dans un espace réellement libre que les comédiens et la comédienne nous accueillent, les bancs habituels de l’endroit qu’on aime détester – ou qu’on déteste aimer – ayant été retirés pour laisser la salle prendre l’apparence d’un atelier d’artiste, autour duquel sont posées des chaises qui accueillent le public.
Ce sont donc ces grands personnages, Bataille et Masson, qui prennent vie sous nos yeux, mais aussi leur logeuse, sa fille et, de façon plus inattendue, des personnages tout droit sortis des mythes grecs – et des peintures de Masson. Les personnages discutent, pérorent, postillonnent, refont le monde, cherchent la grâce.
Daniel Brière, dans sa mise en scène, a recours à des projections évolutives des œuvres sur lesquelles travaille le peintre en discutant à bâtons rompus avec Bataille, entre deux andouillettes et une hallucination.
Et le discours résonne; plus que jamais, notre identité est liée à notre emploi, et la réussite et l’ambition sont rarement mesurées avec autre chose que la prospérité de notre carrière. L’homme est un engrenage dans l’immense mécanique du progrès. «La pensée s’est usée sur les arêtes du monde; il n’y a pas de réponse».
Et puisque les scènes se déroulant sous nos yeux voyagent allègrement dans le temps, «entre 1936 et 2023», les deux camarades – qui discutent autant du contenu du texte que de l’illustration qui l’agrémentera – reçoivent la visite de personnages contemporains qui leur racontent des histoires d’horreur vécues en entreprise, milieux qui peuvent être fort déshumanisants. On vient habilement accrocher l’attention des spectateurs avec des anecdotes concrètes, des changements de temporalité, pour ensuite les plonger dans le mythe, et le mythique.
Mais ils reçoivent aussi la visite d’Ariane, qui progresse dans le labyrinthe avec son fil rouge, de Thésée et du Minotaure. Et d’un militaire allemand. Car le kaléidoscope de l’histoire scintille et aveugle, et le texte de Martin, pétri d’une érudition impressionnante, nous éblouit.
Il cherche visiblement «un sacré qui contrebalance la vie mécanique» et le trouve dans cette création, une brillante errance intellectuelle qui s’égare parfois dans les dédales de la réflexion, sans jamais vraiment perdre le fil d’Ariane.
L'événement en photos
Par Marlène G.Payette
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