ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : David Ospina
Betrayal date de 1978, année de la naissance de l’auteur de ces lignes, et est l’une des pièces les plus reconnues de Pinter. Il y présente un triangle amoureux qui s’effrite, alors qu’Emma (Julie Le Breton) et Jerry (François Papineau), qui ont mis un terme à leur liaison deux ans avant, se rencontrent dans un pub pour discuter du bon vieux temps. Emma mentionne qu’elle a tout révélé de leur relation à son mari, Robert (Steve Laplante), qui est aussi le meilleur ami de Jerry, et ce dernier panique. Il rencontre un peu plus tard son ami, seul à seul, qui lui révèle qu’il sait tout de leur relation depuis au moins quatre ans.
Les deux infidèles avaient même loué un appartement, qu’ils avaient meublé, et où ils se retrouvaient quand ils en avaient le temps. Nous le découvrons par un retour progressif en arrière, une structure narrative inversée qui fait tout le génie de la pièce. Des petites révélations se multiplient au fur et à mesure qu’on recule dans le temps et qu’on revisite un passé où l’acte de trahison a été maintes fois posé.
En brossant non seulement le portrait d’une liaison amoureuse, mais aussi celui de cette étrange amitié qui survit à l’infidélité, la succession de scènes à rebours surprend autant les spectateurs que les personnages qui évoluent devant eux. Les secrets s’éventent, les hésitations en disent davantage que les dialogues, et il devient primordial de lire entre les lignes.
Les personnages sont très malheureux, luttent intérieurement pour garder la face, et sont interprétés avec beaucoup de nuances par le trio d’acteurs. Steve Laplante impressionne particulièrement, et nous prouve, cette saison, qu’il excelle dans un registre plus dramatique, avec sa gravité poignante que nous avons aussi pu apprécier en mars dernier dans Invisibles au Théâtre La Licorne.
C’est l’humiliation d’être trahi qui est ici dépeinte avec soin, et le mécanisme impitoyablement détaillé du mensonge qui se déploie, avec une précision dramaturgique pétrifiante. Pinter est un maître, et Blanchette a parfaitement saisi son essence. Il nous le démontre ici, avec une mise en scène extrêmement réussie, un portrait frigorifiant, du théâtre de mœurs sobre et tout en retenue comme on en voit peu.
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Par David Ospina
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