ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : François Laplante Delagrave
Henry Harry, cuisinier sur une plateforme de forage, vivait depuis un certain temps en solitaire dans sa minuscule cabane d’une seule pièce en Alaska lorsque, au beau milieu d’une nuit de tempête, Rosannah Deluce, fiancée en fuite, débarque sans prévenir dans son quotidien.
Cette dernière, après avoir abandonné son fiancé à l’autel, a conduit de l’Arizona jusqu’ici et est encore vêtue de sa robe de mariage. Frigorifiée, elle a marché durant une heure dans la neige, après que sa voiture s’est finalement arrêtée, à travers un impressionnant blanc dehors où aucun horizon, aucune ombre ni lumière ne se distingue plus.
Un vide total, bien à l’image de celui qui habite et tourmente autant l’ermite que la fugitive. Cette dernière ne répond pas aux questions du premier: pourquoi a-t-elle fui son mariage? Comment est-elle parvenue jusqu’ici, et dans quel but?
Henry et Rosannah sont tous deux animés d’un désir semblable d’oubli et de disparition, engendré par la trop grande souffrance de la perte d’un être cher. Mais la fuite et l’isolement ne peuvent leur apporter ni baume ni guérison.
Enfermées par la tempête qui fait rage si bien au-dehors qu’en dedans, leurs solitudes n’auront d’autre choix que de se faire face et de se rencontrer.
Le jeu de Mylène Mackay s’avère sans fausse note, vibrant d’une centaine de nuances d’émotions à chaque réplique, à chaque regard. Maxim Gaudette incarne avec une aussi grande finesse les différentes étapes de ce conte aux allures de fable: une performance d’autant plus remarquable que l’acteur n’a eu que quelques semaines pour se préparer au rôle, ayant accepté de remplacer au pied levé le comédien Émile Schneider!
Fait intéressant: juste avant la première de la pièce, il y a 33 ans, le comédien principal avait également dû être remplacé à la dernière minute. La tempête qui habite le texte de Cindy Lou Johnson semble ainsi toujours se transmettre à la production!
Daniel Castonguay, qui avait également signé le décor de production de 1992, a choisi cette fois d’opter pour un plan incliné aux lignes fuyantes produisant une illusion de déséquilibre, à l’image de celui qu’éprouvent les deux protagonistes. Magnifiée par les éclairages de Julie Basse, cette scénographie aide grandement la pièce à livrer efficacement son émotion et son message.
Malgré le caractère étouffant de ce huis clos sans issue, Traces d’étoiles nous parle bel et bien de lumière: celle qui scintille dans le regard de l’autre.
La pièce «Traces d'étoiles» en images
Par François Laplante Delagrave
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de la rédaction