ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : LAB87
C’est sans artifices, un grand tapis suspendu en guise de décor dans le coin de la salle de répétitions de La Licorne, avec quelques objets très eighties suspendus au plafond et à peu de choses près deux chaises comme seuls accessoires, que le comédien François-Simon Poirier a donné le coup d’envoi de cette nouvelle formule théâtrale inspirée d’un concept écossais, A Play, a Pie and a Pint. Interprétant un solo fort personnel et engageant de Duncan Macmillan (Des arbres), Poirier n’avait pourtant besoin de rien d’autre.
C’est qu’il est habile, le jeune comédien, et il faut bien l’être pour honorer cette pièce intime et cette mise en scène paradoxalement ouverte sur les autres de Frédéric Blanchette. Invitant constamment les spectateurs à prendre part à son récit, François-Simon Poirier a dû jongler avec des réponses spontanées et tenir le cap du texte si savamment écrit par Macmillan, révélant des prouesses d’improvisation ainsi qu’une fluidité et un naturel tout à fait impressionnants.
Le texte, d’une grande beauté, mais aussi tout en simplicité, réussit à faire sentir d’abord toute la naïveté du personnage de 7 ans qui débute la pièce en tentant d’élaborer une liste de «toutes les choses parfaites» afin de redonner à sa mère suicidaire le goût de vivre en lui faisant voir tous les petits plaisirs simples de la vie; une liste qui, il va sans dire, se complexifiera avec les années et les nombreuses responsabilités de la vie d’adulte, et qui n’atteindra pas nécessairement son objectif de départ. Extrêmement touchant, le récit imaginé par Duncan Macmillan est d’une sincérité et d’une vérité désarmantes, tout comme son interprétation absolument parfaite par François-Simon Poirier.
Malgré la thématique de la pièce, il ne se dégage aucun effet de lourdeur, sans doute de par cette ambiance plutôt festive créée par ce concept où une bière et un hot-dog peuvent être dégustés avant ou pendant le spectacle, mais aussi par cette expérience collective et intime engendrée par la formule de pièce participative. Ainsi, à plusieurs moments le comédien demande à des gens de lire des énoncés ou de jouer des rôles – tantôt de son père ou de sa professeure de 6e année, tantôt du grand amour de sa vie –, mais jamais il ne se laissera déstabiliser. Solide comme un roc, mais en même temps très sensible, Poirier est très impressionnant et transmet bien les différentes émotions vécues par son personnage.
Finalement, le côté minimaliste du spectacle n’était pas à sous-estimer, car il y eût malgré tout quelques effets de surprise dans cette livraison dynamique et vivante de ce récit poignant, et cette soirée à La Licorne n’eût rien de banal, ne serait-ce que grâce au nouveau et superbe concept de «bouffe, bière et théâtre» à 10 $ qui, en plus de réinventer le bonheur de se rendre au théâtre, pourrait très certainement amener un nouveau public.
Surtout si le choix des pièces est toujours aussi réussi!
«Toutes les choses parfaites» est un texte de Duncan Macmillan, traduit par Jean-Simon Traversy et mis en scène par Frédéric Blanchette. Il sera présenté jusqu’au vendredi 16 septembre à 17 h 30 dans cette formule «Bouffe, bière et théâtre», mais le concept reviendra sporadiquement durant l’année, avec d’autres spectacles.
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