ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Misako Shimizu
La pièce rend compte des effets intimes du tremblement de terre, alors qu’une femme raconte le sentiment de bonheur qui l’a envahit durant les jours qui ont suivi la catastrophe. Elle s’adresse à son mari assis dos au public, qui réagit très peu à ses propos, sinon par des mouvements intériorisés à peine perceptibles. Or, on apprend rapidement que cette femme est morte dans son sommeil quatre jours après le tremblement de terre, des suites de complications d’une crise d’asthme.
Éternellement figée dans la beauté de sa jeunesse et la réminiscence de souvenirs heureux, elle hante son mari et ressasse l’avenir plein d’espoir auquel ils se destinaient ensemble. Quoiqu’omniprésente, cette figure quasi irréelle semble réconfortante et apaisante pour lui. Au même moment, la nouvelle femme de l’homme entre, retardée par un accident qui a compliqué les transports dans la ville.
Bien vivante, elle symbolise les projets à venir et la vie qui reprend tranquillement son cours après la tragédie. Ainsi, morts et vivants partagent la banalité apparente du quotidien et le poids de l’Histoire.
Le jeu des trois comédiens – Izumi Aoyagi, Mari Ando et Yo Yoshida – prend des allures naturalistes, bonifié par une gestuelle légèrement stylisée. Dans une économie de mouvements influencée par le cinéma, certains gestes sont décalés, amplifiés ou répétés, alors que d’autres sont très intériorisés. Le silence occupe une grande place dans ce spectacle où le langage est épuré à l’extrême et où le temps s’écoule au ralenti.
Le travail du scénographe et sonorisateur Tsuyoshi Hisakado contribue grandement aux qualités esthétiques du spectacle, alors qu’il construit des interactions entre les actions des comédiens, les objets et les sons. Le décor se présente comme une installation dynamique dans laquelle certains éléments prennent vie: les rideaux bougent au rythme d’un courant d’air, une ampoule s’allume par intermittence, une hélice se met à tourner lentement. Plutôt que d’opter pour de la musique, les créateurs ont plutôt choisi de travailler le bruitage et le parasitage, laissant entendre une ancienne sonnerie de fax, ou encore un grésillement.
Time’s Journey Through a Room tire toute sa force de la délicatesse et de la subtilité avec lesquelles Okada aborde un événement encore vif dans la mémoire des Japonais. L’intimité devient ainsi une manière d’évoquer avec pudeur la résilience d’une communauté qui doit continuer à vivre.
Le tout est d’une beauté émouvante.
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Par Misako Shimizu
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de la rédaction