ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Ludovic Rolland-Marcotte
Philippe Boutin, un prolifique et éclaté créateur qui a su, depuis quelques années, développer un créneau plutôt unique, enfin aussi unique que son humour pétri de références culturelles et d’images fortes, a entrepris avec The Rise of the BlingBling un projet ambitieux qui a trouvé sur son chemin quelques obstacles. Pandémie oblige, le spectacle a été mis sur la glace en 2020, et cette première partie d’un diptyque, La genèse, est enfin présenté à l’Usine C.
Peut-on parler ici d’une production épique? Assurément.
On retrouve sur scène des actrices et acteurs, des danseuses et danseurs, et une divinité à la peau rose (hilarant Étienne Lou), qui nous annonce en grande pompe, au début du spectacle, qu’il sera le narrateur, mais qui ne revient qu’épisodiquement insérer son grain de sel.
Une joyeuse hérésie
Qui est Jésus ici? On croit avoir saisi qu’il s’agit de Woody, le fils d’une shérif, né en pleine forêt, dans la neige, à quelques mètres d’un massacre. Mais rien n’est moins sûr, car la mise en scène complètement éclatée ne s’étouffe pas dans les explications et se concentre plutôt à nous en mettre plein la vue.
Woody a suivi les traces de sa mère et est lui aussi employé par les forces de l’ordre, mais on le voit surtout se détendre après ses journées éreintantes en écoutant la télé. Parfois, un terrifiant arbre de Noël lui adresse la parole, et parfois il reçoit des colis trop volumineux pour passer le cadre de porte.
On reconnaît par moments la comédie physique déjà explorée par Boutin dans, notamment, Being Philippe Gold, un autre joyeux délire présenté au Théâtre Denise-Pelletier en 2017, mais aussi les blagues répétitives qui s’étirent un peu trop longtemps.
Parallèlement à la vie un peu monotone de Woody, donc, on a droit à des allusions constantes à une royauté barbare qui fait faire son sale boulot par des anges, anges sans chandail qui se déplacent en patins à roulettes et qui sont menés par un chef caractériel et bestial (Simon Landry-Désy). On visite brièvement un lave-auto inclusif dans lequel ont lieu des combats de danse, nous sommes témoins d’un segment de lip synch théâtral au son d’une version doublée en français du film The Last Temptation of Christ de Scorsese, et à des cowboys de l’ombre qui dansent au son de «The Power» de Snap!
Un joyeux bordel
On aura compris que le créateur s’amuse avec les codes chrétiens, fait occasionnellement appel à quelques images fortes et reconnaissables du cinéma américain, mais surtout permet à ses interprètes de s’émanciper et de multiplier sur scène les prouesses physiques impressionnantes.
La joie presque pure qui se dégage de l’ensemble se transmet au public, et les nombreuses surprises de la mise en scène nous gardent rivés à la scène pendant presque deux heures.
Bien que l’œuvre hésite constamment entre le sérieux et le ridicule sans jamais se décider, et que certains sketches pourraient facilement être raccourcis, on reste admiratif devant l’audace et l’imagination de Boutin, qui officie décidément dans un registre inimitable, bien à lui, et qui nous offre avec cette pièce-événement une version farfelue et imagée de la religion, une fête blasphématoire et réjouissante.
«The Rise of the BlingBling – La Genèse» en images
Par Ludovic Rolland-Marcotte
L'avis
de la rédaction