ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Catherine Asselin-Boulanger
Il serait toutefois exagéré de parler de créateurs qui auraient «rassemblé leurs idées», puisque chacun y a monté ses scènes indépendamment des deux autres, pour ne garder en commun que le lieu de rencontre final et les mêmes trois mimes-interprètes: Laurence Castonguay Emery, Sylvie Chartrand, Marie Lefebvre. À travers les trois scènes produites par chacun de ces maîtres d’œuvre, comportant une prestation solo, l’une en duo et l’une en trio, on se retrouve plutôt devant trois perspectives en parallèle.
Théoriquement, cette addition d’univers clos était aussi ce qui devait apparaître sur la scène, puisque l’idée de départ était de s’inspirer des mannequins de vitrines des grands magasins, et de l’aspect des fantasmes féminin que chacun peut refléter, dans son univers clos et par son visage inexpressif. Heureusement pour les spectateurs ainsi que pour les trois mimes se retrouvant devant le mandat de transmettre ces intuitions du mystère féminin, ces conventions sont rapidement dépassées, au point d’être perdues de vue. Même la convention du mime doit s’accommoder de l’accompagnement quasi constant d’une narration radiophonique.
Mais briser ses propres conventions est-il suffisant pour démontrer son aptitude à dépasser les cadres et les stéréotypes? Préférer le geste à la parole est-il le moyen le plus juste d’éviter de trop en dire ou de le dire maladroitement? Rien n’est moins certain. Il en ressort une vue d’ensemble se situant entre l’inintelligible et le chaotique, qui ne redore ni le blason de la femme ni celui de l’art. Reconnaissons l’effort héroïque des trois interprètes, et particulièrement de Sylvie Chartand qui parvient, avec grâce, à nous faire traverser harmonieusement la frontière entre le discours commun des gestes et l’expression surréelle du mime. Mais chez elle, comme chez ses co-interprètes, le sens du message nous laisse sans voix.
Plus embarrassant encore, lorsqu’on a, parfois, l’impression de comprendre, on y retrouve une dureté de regard à laquelle on n’était pas forcément préparé. La compétitivité hypocrite entre femmes, la valorisation de son rôle de victime, la complaisance dans les stéréotypes ou la sexualisation de son corps sont peut-être des réalités, mais des réalités qui mériteraient une mise en contexte avec un doigté plus explicite. Sylvie Moreau, sur ce plan, s’en sort un peu mieux que ses compères masculins, avec ses suggestions plus tendres et un peu plus concrètes, mais non moins exemptes de clichés sur les fluctuations hormonales.
D’accord, des artistes ont le droit d’offrir une vision qui tienne davantage de l’inspiration esthétique que le la vision philosophique ou de la portée sociale. Mais quand même, lorsqu’une pièce entre en matière en citant Simone de Beauvoir, ne pourrions-nous pas nous attendre à ce que les «femmes que l’on devient» soient présentées sur scène sous un jour plus reluisant?
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de la rédaction