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Crédit photo : Thibaut Larquey
Le metteur en scène André-Marie Coudou ne s’en cache pas: il n’était pas question pour lui d’aborder les moments perdus à travers les vagues vapeurs du passé: il voulait les faire revivre, dans toute leur splendeur, depuis les premiers regards échangés jusqu’aux grandes déceptions de l’âge adulte. Mais présenter devant public les émotions associées à autant d’époques superposées, c’est demander beaucoup aux acteurs, surtout s’il est exigé d’eux, en même temps, laisser transparaître une peur de la mort qui n’est pas vraiment nommée avant la fin.
En fait, le choix des moyens pour illustrer l’attachement entre ces deux êtres éveille de sérieux doutes. Ils se battent et laissent les spectateurs trop longtemps sans signes suffisants pour en déduire qu’il s’agit d’une lutte amicale. De plus, bien que deux chorégraphes se soient consacrés à perfectionner les scènes de combat, celles-ci demeurent peu crédibles, autant par leur enchaînement que par leur intensité. Et sur ce point, la proximité trop grande avec le public de cette petite salle n’aide pas. Ces scènes sont suivies de moments de passion physique, livrés avec la même intensité, qui ne contribuent pas, non plus, à contrebalancer les choses.
Les acteurs (Xavier Mailleux, Sophie Martin) semblent condamnés à mimer les sentiments subtils qui devraient les envahir plus qu’à les interpréter, et ce, entourés de bruits parasites et d’objets superflus qu’ils doivent manipuler ou lancer, au risque même de blesser des spectateurs. Ce n’est pourtant pas que le texte, en soi, manque de charme: certains aveux furtifs sur la peur de se perdre ou la raison des trahisons passées s’avèrent même franchement touchants. Martin parvient parfois à attendrir en les nommant, mais la majorité du temps, les deux acteurs ne semblent pas disposés à faire appel à la sobriété nécessaire pour laisser les mots agir.
Les personnages affirment se connaître jusqu’à leurs moindres pensées; alors pourquoi doivent-ils toujours en revenir à de si grands gestes pour se comprendre? C’est le public, et non les personnages, qui aurait eu besoin d’une mise en contexte. Sans les montrer se traînant vers la mort durant une heure, on aurait attendu des deux amants qu’ils parviennent à leurs derniers moments ensemble avec une attitude un peu plus mûre, un bilan moins impulsif.
La pièce «Skin Tight – Te tenir contre moi» de Gary Henderson, dans une mise en scène d’André-Marie Coudou, est présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 14 mai 2016.
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Par Thibaut Larquey
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