«S’aimer ben paquetée» de Cristina Moscini au Théâtre La Licorne – Bible urbaine

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«S’aimer ben paquetée» de Cristina Moscini au Théâtre La Licorne

«S’aimer ben paquetée» de Cristina Moscini au Théâtre La Licorne

In vino veritas

Publié le 8 novembre 2023 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Nicola-Frank Vachon

Je n’ai personnellement jamais assisté à une rencontre des alcooliques anonymes, mais j’ai vu suffisamment de films et de séries télé pour savoir, grosso modo, à quoi ça ressemble. Les participants se retrouvent dans une zone sans jugement, entourés de pairs qui partagent leur dépendance, et prennent la parole pour témoigner des ravages de la boisson dans leurs vies, autant pour se vider le cœur que pour aider les autres à se sentir moins seuls. Et ça ressemble un peu à du théâtre.

Cristina Moscini, avec ce monologue d’une rare verve adapté des billets de son blogue, n’a pas peur de faire appel à quelques vulgarités pour augmenter l’impact de son propos, et explore ici sa longue relation avec l’alcool. De ses premiers shooters bus en famille, qui lui ont ouvert la porte vers un univers sensoriel inexploré, jusqu’à son incapacité à avoir des relations sexuelles à jeun à l’âge adulte.

C’est une longue relation, parfois tragique, souvent très drôle, qui s’avérera avec un peu de recul avoir été «la plus grande histoire d’amour de sa vie».

Ariel Charest, qu’on a surtout vue dans des créations d’Olivier Arteau, et qu’on savait donc immensément talentueuse, semble née pour jouer ce rôle. La suspension de l’incrédulité fonctionne à plein régime et le spectateur pourrait, passagèrement, confondre la parole de l’autrice avec celle de la comédienne, qui incarne le personnage avec vérité, à la fois candide et percutante, ondulante, dansant sur des chansons de Scorpions, «élusive cochonne des tavernes».

De sa jeunesse défavorisée à Beauport, à proximité d’un grand-père libidineux, en passant par des incartades en Mauricie et dans la Capitale-Nationale, elle nous parle de sa vie anesthésiée, de son stratagème de «magasiner cheap» afin d’avoir un budget plus conséquent pour l’alcool, de sa manie de finir les verres des autres, de la dignité qui fond avec le temps et l’usure.

Photo: Nicola-Frank Vachon

Brouillard érotique

La langue est crue, certes, mais aussi constamment poétique. Les phrases-choc riches en inventivité se succèdent, et le public rit tellement que l’interprète doit parfois improviser quelques boutades avant de poursuivre avec ce tourbillon verbal jouissif. Le rythme du texte est extrêmement bien travaillé; les moments introspectifs ne durent jamais très longtemps, et la parole festive ne tarde jamais.

Le monologue peut avoir l’apparence de passer du coq à l’âne, de suivre librement la pensée de l’oratrice, mais tout cela est extrêmement bien ciselé, l’audience est pendue au bout des lèvres d’Ariel Charest, et on en redemande.

Qui aurait cru en la puissance évocatrice d’une allusion à Éric Lapointe? Qui aurait pu imaginer que la rédemption passait par Saint-Élie-de-Caxton? Qui aurait cru pouvoir tomber en amour avec un texte, assis au fond d’une salle sombre, un mardi soir où on n’espérait qu’être légèrement diverti?

S’aimer ben paquetée est, disons-le franchement, la plus agréable surprise théâtrale de notre automne.

La pièce «S’aimer ben paquetée» en images

Par Nicola-Frank Vachon

  • «S’aimer ben paquetée» de Cristina Moscini au Théâtre La Licorne
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