ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yves Renaud
Lorsque le récit commence, Henri VI et son fils Édouard ont déjà été assassinés; Édouard IV, frère de Richard, a accédé au trône. Devenue reine, sa femme Élizabeth (Sylvie Drapeau, retenue puis déchaînée) a rapidement placé ses proches à des postes stratégiques, ce qui déplaît. Tensions et animosités, toujours latentes, s’enveniment à l’avantage de Richard. Tel un cavalier sur un échiquier, toujours mentalement en avance de deux coups, il convainc la jeune veuve d’Édouard lady Anne de l’épouser, tout en lui avouant être l’auteur du double meurtre. Mais la pauvre lady Anne (Sophie Desmarais, plus racinienne que shakespearienne) ne survivra pas à cette union, évidemment. L’hécatombe suit son cours jusqu’au couronnement de Richard et au-delà.
La scénographie et les éclairages (Anick La Bissonnière et Étienne Boucher) évoquent, d’une part, l’oppression du temps par des éléments suspendus surdimensionnés et, d’autre part, l’instabilité des personnages et le danger qu’ils courent par un plancher incliné. Dynamisant les entrées et les sorties, les pentes maintiennent les comédiens dans un équilibre précaire, ce qui confère un avantage symbolique au personnage principal, lui dont le centre de gravité est souvent plus bas. Il est frappant de voir, par exemple, à quel point Elizabeth/Sylvie Drapeau prend de la force lorsqu’elle a les deux pieds à plat. Les cinquante costumes signés Yso sont de pures merveilles de beauté, représentant bien davantage les enjeux que l’époque. L’environnement sonore (Bernard Falaise), sait se faire discret ou efficace, au besoin.
Si Molière fut le maître des archétypes humains, Shakespeare fut celui de leurs affrontements. Dans ces jeux politiques macabres, barbares et insensés, seule la vieille reine déchue Marguerite (Monique Miller, jouissive de hargne) ose crier toute sa haine à l’égard de Richard, vociférant ses malédictions et prévenant les membres des deux clans de ce qui les attend. On le voit, cet être retors, méprisant autant que méprisable, n’est pas que diabolique en lui-même, il est le produit d’une culture de vengeance sanguinaire transmise de génération en génération.
Dès le prologue, la situation et les évènements à venir nous sont exposés par Richard lui-même, qui brise le quatrième mur et instaure une convention de connivence avec le public. Si la franche ironie et les sarcasmes que cette relation accentue sont bienvenus, les écarts cabotins du comédien étonnent et donnent à penser que le duo Haentjens-Ricard souhaite prémunir l’assistance contre le drame total, contre la tentation d’y croire. N’empêche, mise à part une certaine fluctuation dans le degré de claudication, Sébastien Ricard incarne Richard admirablement, dans la voix, le débit, les intonations, mais également dans la gestuelle.
À ceux qui, à l’entracte, auront des réticences à l’égard des percées clownesques rappelant Louis de Funès par moment, nous disons: tenez bon, ils disparaissent en seconde partie, qui est éblouissante de la première à la dernière minute et vous fera tout pardonner.
Richard III de William Shakespeare, d’après une traduction de Jean Marc Dalpé et une mise en scène de Brigitte Haentjens, est présentée au Théâtre du Nouveau Monde du 10 mars au 4 avril et au Centre national des arts du 21 au 25 avril 2015.
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de la rédaction