ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Claude Gagnon
L’histoire de la pièce est fort simple. Un couple d’ambitieux maires de banlieue souhaitent régner sur un plus grand royaume et commettent l’irréparable pour y arriver. Leur peu d’intelligence largement compensé par leur absence de jugement moral, Mercedes et Roméo Urbain vont donc réussir à gravir les quelques échelons nécessaires pour parvenir au top. Leur top. C’est ensuite leur imbécillité crasse qui leur permettra d’y rester, gouvernant avec des principes guère plus reluisants que ceux de nos élus réels. La corruption est à l’œuvre et, lorsque la révolte gronde, le couple royal refuse d’y croire. La finale douce amère nous laissera avec une drôle d’affection envers les personnages que nous aurons vus s’ébattre, mais peut-être est-ce là l’effet du brio des acteurs plus que de la matière de la pièce elle-même.
Mais rendons à César ce qui lui revient. Sur les mots de Lagarde, Sébastien Dodge a su construire une mécanique presque maniaque qui n’est pas sans embellir la laideur du grotesque et du cynisme qui nous est montré. Une rythmique menée au quart de tour où les acteurs manœuvrent avec fluidité, on dirait presque sans effort. Béland et Fortin s’élèvent au-dessus du comique et parviennent à sublimer le ridicule de leurs personnages pour en trouver l’humanité. Cette maîtrise du texte et de l’action nous permet de nous laisser aller à profiter du drôle et de la réflexion qui s’offrent à nous. Entre deux gradins de spectateurs s’ébattent des archétypes québécois dans des incarnations rabelaisiennes, tantôt assis dans un La-Z-Boy rouge, tantôt sur une toilette brune éclairée de l’intérieur. Dansant, complotant, ses héros, souvent choquants par leurs instincts débridés, éclatent sur le fond uniformément rouge, déployé par l’audacieuse proposition scénographie d’Elen Ewing.
Lagarde n’épargne personne, pas même Gabriel Nadeau-Dubois, l’un des symboles de notre Printemps érable. C’est alors qu’il nous semble que la pièce fut écrite rapidement dans un trait de fureur parfaitement justifié par le contexte actuel. On déplore seulement que l’absence de financement de plus en plus criante dans les arts ne permette plus aux artistes de prendre le temps, ce temps qui est si précieux qui leur offre un peu de recul sur leurs œuvres. Ici, Guillaume Lagarde nous offre une possibilité de réflexion sur notre incapacité à la révolte qui, dans la pièce, trouve une issue aussi cynique que les finales de nos révoltes passées. C’est un peu le constat que l’on dresse au sortir de la pièce, mais heureusement, il reste que tout n’est pas perdu, puisque l’on sait encore rire de nous-mêmes.
«Révolution à Laval», d’après un texte de Guillaume Lagarde et dans une mise en scène de Sébastien Dodge, est présentée jusqu’à ce soir à l’ESPACE GO.
L'événement en photos
Par Claude Gagnon