ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Mario Villeneuve
Une carrière basée sur le bonheur
Une chose est claire pour la metteuse en scène Véronika Makdissi-Warren: l’univers comique l’habite depuis ses plus vieux souvenirs. Enfant, elle admirait déjà Charlie Chaplin, qui a teinté son parcours. C’est lors de ses études au Conservatoire d’art dramatique de Québec qu’elle est tombée sous le charme du jeu clownesque. Elle a d’ailleurs la chance de donner ce cours elle-même aujourd’hui.
«Pour moi, il y a quelque chose de lumineux dans cette forme d’art. Ça nous permet de poser de grandes questions sans trop nous casser la tête. Ça reste dans notre cœur, et ça nous suit après dans la vie», nous a confié l’artiste.
Également violoniste, elle collabore depuis longtemps avec l’Orchestre symphonique de Québec, et plus particulièrement avec Maurice Laforest, qui dirige Les P’tits Mélomanes du Dimanche. Ensemble, ils ont créé des spectacles afin de rendre la musique classique accessible pour les enfants. Au fil du temps, son intérêt pour la création destinée à un jeune public n’a fait que croître.
«L’enfance, c’est franc, c’est naïf. Les jeunes arrivent le cœur ouvert habituellement. Souvent, on leur dit de ne pas parler pendant une représentation, mais le but c’est qu’ils s’expriment aussi. Ça fait partie du spectacle d’avoir une interaction avec les gens, sans pour autant partir une conversation. Il faut que l’enfant se sente concerné; c’est pour lui qu’on fait ça!»
Véronika Makdissi-Warren a poursuivi son parcours en menant durant six ans la direction artistique de l’Aubergine, une compagnie pionnière de l’art clownesque, du cirque et de la musique.
Le clown au cœur de sa démarche artistique
Ayant longtemps songé à ce concept de voyage métaphorique, la créatrice du spectacle souhaitait illustrer de façon ludique les obstacles que l’on rencontre dans la vie. Dans une démonstration d’amitié inconditionnelle, les trois personnages s’entraident ou se nuisent parfois, et ce, à travers une multitude de péripéties. C’est ainsi qu’ils apprennent de leurs expériences et saisissent leurs forces et leurs faiblesses.
Pour Véronika, il était important que le jeu prenne toute la place, afin de montrer que l’on peut faire de grandes choses à partir de son imagination.
«C’est un spectacle qui est très physique, puisqu’il n’y a pratiquement pas de parole. Tout se passe dans le corps et le regard des acteur∙trices, dans la façon qu’ils vont jouer. Il faut que ce soit inattendu pour que les enfants, entre autres, restent attentifs», a-t-elle expliqué.
Bien plus qu’une question de perruque et de nez rouge, le clown se démarque par son jeu émotif et ses réactions physiques amplifiées dans le but d’amuser le public. La gestuelle des interprètes se veut tout aussi exigeante qu’une chorégraphie, sans toutefois être calculée. Chaque geste doit être ressenti afin de transmettre une émotion.
Assistée par Mélissa Bouchard à la mise en scène, elle tente continuellement d’innover les façons de faire et de renouveler les classiques du jeu clownesque: «Je dis toujours qu’on ne peut pas faire deux fois le même jeu. Pour moi, c’est comme une redite. L’idée c’est de s’amuser et de trouver dans l’erreur la chose qui va ressurgir et qui sera la meilleure, finalement. La création, pour moi, c’est ça! Il ne faut pas avoir peur du néant!»
Une complicité tant fictive que réelle
Dans le spectacle, le lien unissant les trois compagnons reste flou, car c’est leur complicité qui est mise de l’avant, ainsi que les rôles qu’on se donne à différentes périodes de nos vies. Par exemple, le plus grand agit parfois comme un frère, ou même comme un père. D’autres fois, les rôles sont inversés, car tout le monde a besoin d’aide à un moment ou à un autre de son existence.
«À l’Aubergine, on invite toujours les gens en audition. On les rencontre individuellement et, après, on fait un premier choix», a mentionné la créatrice du spectacle en résumant la sélection des interprètes en 2019. «J’ai gardé deux trios pour réaliser des exercices et voir leur interaction. Je voulais voir leur dynamique, la distribution, leur grandeur, leur rythme, ce qu’ils et elles dégagent…»
Le choix final s’est arrêté sur le comédien Jocelyn Paré, lequel a aussi des compétences en danse, le comédien, marionnettiste et clown Miguel Fontaine, ainsi que l’artiste circassienne Amélie Gadbois. Véronika admet qu’elle aime mélanger des artistes de milieux différents pour qu’ils et elles puissent se rencontrer et contribuer au projet avec des forces distinctes. Le produit final reflète d’ailleurs la personnalité et le talent des interprètes mêlant humour, poésie et acrobaties.
Puisque la pandémie a surgi au beau milieu du processus de création, l’équipe a réfléchi au sort de la pièce avant de décider de la reporter.
«On s’est posé beaucoup de questions, à savoir si on allait le faire en distanciation, mais ce n’était pas le concept du tout. Les personnages ont établi des liens tissés serrés et je rêvais qu’ils ne fassent qu’un. C’est comme si on dénaturait complètement la création. Alors, on a fait autre chose en attendant et on est revenu quand on pouvait se rapprocher. De ce fait, le spectacle a eu le temps de mûrir, et ça nous a liés davantage.»
Un grand partage de richesses à travers les arts vivants
Avec ce spectacle empreint d’humour et de magie, Véronika Makdissi-Warren souhaite avant tout éveiller la créativité des petits.
«Souvent, ce que j’aime, c’est de pouvoir leur dire qu’ils peuvent jouer avec autre chose qu’un écran. J’aimerais vraiment leur ouvrir une petite part d’imaginaire et qu’ils se disent que tout est possible, qu’ils peuvent s’inventer un monde avec pas grand-chose. Je trouve que le théâtre jeunesse est le plus créatif et que c’est une occasion pour les enfants de voir quelque chose en direct, de vivre le moment présent. On n’en voit presque plus des rassemblements comme ça.»
L’Aubergine a d’ailleurs créé un cahier pédagogique dynamique pour les activités de médiation culturelle auprès des jeunes et une Zone famille comprenant la vidéo éducative intitulée La petite histoire du clown.
Afin de rendre le spectacle accessible à tous∙tes, l’équipe a monté une représentation sensoriellement adaptée pour les enfants vivant avec des besoins particuliers, qui aura lieu le 28 décembre. Le son et l’éclairage seront plus doux, et les enfants pourront facilement sortir en tout temps s’ils se sentent inconfortables.
Cette version pourra leur permettre de profiter des bienfaits des arts de la scène et de vivre une expérience mémorable.