ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Valérie Remise
Brigitte Haentjens, qui a signé la mise en scène, m’avait confié lors de notre dernière rencontre à propos de cette pièce que le spectateur allait «recevoir autre chose qu’un contenu, avoir accès à un monde qui n’est peut-être pas celui de la raison, mais celui de la poésie».
Je n’avais pas mesuré l’ampleur de ce propos.
Une expression juste de l’affliction
Sébastien Ricard, son complice de longue date, déclame un monologue d’un vaste souffle.
La poésie, empreinte d’images fortes et de couleurs éclatantes, fait apparaître des scènes dans l’esprit du spectateur. Les mots employés prennent une symbolique différente que celle employée habituellement.
À l’instar des écrits de Maurice Maeterlinck ou Arthur Rimbaud, ceux de Trakl reflètent les tourments de l’âme humaine.
Une intensité dense
Les spectateurs sont avisés avant le début de la présentation que celle-ci ne dure que 35 minutes. Plusieurs chuchotent d’étonnement. Cela n’entrave en rien le plaisir. J’ose même affirmer qu’elle joue en sa faveur: je suis sortie revigorée de cette salle sombre, comblée par cette dose d’art intense.
Le décor est épuré. L’acteur est seul sur scène. Une vidéo de feuillage projetée sur le rideau, monochrome, ajoute une touche animiste. La nature frémissante, les ombres et la sonorité créent une atmosphère tellurique.
Puis, Ricard apparaît dans un jet de lumière, face à la noirceur de la scène. Ce jeu de clair-obscur octroie une plus grande portée aux paroles.
Un jeu du corps
La singularité de l’acteur sur scène ne lui donne pas moins de présence; son jeu est remarquable.
Par moments, la tension était telle que je craignais de rater un seul cillement. Là, une des forces de Haentjens a brillé: l’ajout de l’élément physique des interprètes.
Les déplacements félins, les sursauts et les martèlements au ras du sol nous ont fait ressentir la véhémence de Trakl à travers Ricard.
Lorsque les lumières se sont éteintes, quelques secondes ont été nécessaires pour que je me ressaisisse.
La pièce de théâtre Rêve et folie donne franchement l’envie de se plonger dans l’œuvre de Georg Trakl afin de connaître davantage les tréfonds de cet être tourmenté.
La pièce ne sera présentée au Théâtre de Quat’Sous que jusqu’au 7 octobre, alors courez-y! Je souhaite que sa courte durée lui permette de se glisser plus aisément dans le plan de votre journée. Pour les intéressé∙e∙s, les recueils de poésie sont disponibles à l’achat sur le site Leslibraires.ca.
«Rêve et folie» de Brigitte Haentjens en images
Par Valérie Remise
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de la rédaction