«Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?» dans une mise en scène de Denise Filiatrault

Une petite odeur de soufre a accompagné l’annonce de cette production, dans laquelle le rôle d’un Arabe est tenu par un Québécois. Cela n’est pas le premier scandale lié au Théâtre du Rideau Vert cette année – on se souviendra des accusations de whitewashing lors de la présentation de la traditionnelle 2016, revue et corrigée, et du fameux blackface de l’édition de 2014 – mais on espère sincèrement que ce sera le dernier.

Ce casting nous laisse un peu un goût amer en bouche, car soyons réalistes, nous possédons à Montréal un bassin ahurissant de grands talents de partout, et il nous semble peu probable qu’un candidat maghrébin idéal n’existe pas dans la métropole, en 2017.

Ce qui devait donc être une production provoquant une certaine réflexion sur notre rapport à «l’autre» est donc devenu, ironiquement et par un curieux effet de mise en abîme, exactement le genre de phénomène qui existe malheureusement encore de nos jours, et qui ressemble fort à ce qu’on cherche ici à déplorer: une écrasante insensibilité raciale qui frôle l’insulte.

Je me suis longtemps demandé si je devais centrer ma critique uniquement autour des vertus théâtrales de l’ensemble, et faire abstraction de l’éléphant dans la pièce, mais il m’est impossible de passer sous silence le profond malaise que j’ai ressenti pendant les deux longues heures que dure cette pièce.

En faisant l’adaptation «québécoise» de ce film de Philippe de Chauveron, sorti en France en 2014, et déjà pas très subtil dans sa version originale, on semble avoir oublié de tracer une ligne nette et d’établir une distance critique entre les grossières blagues des personnages, et le degré avec lequel on devrait les approcher. Les comédiens (particulièrement Rémy Girard) se les approprient tellement bien qu’il est difficile de concevoir qu’ils n’aient pas grimacé à plusieurs reprises à la lecture du texte.

Il y a quelques bonnes blagues et des répliques mordantes en cours de route, et les changements de décor à l’ancienne, qui se font rapidement dans la pénombre, et en quelques secondes, sont fort réussis. Chapeau aussi à l’ensemble des comédiens qui, malgré quelques tendances à surjouer, se débrouille admirablement bien avec un matériel de base aussi douteux.

En tant que divertissement, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu? est une pièce bien rythmée, rodée au quart de tour et s’adressant à un public d’un certain âge. Mais en tant que «comédie familiale qui détourne les clichés et préjugés sur les ethnies et les religions», comme le prétend le programme, on a déjà vu plus nuancé.

Si la personne qui rédige ces lignes n’était pas profondément athée, elle se serait sans doute posé la question du titre à quelques reprises pendant la représentation.