«Province» de Mathieu Gosselin: de la chair de gibier – Bible urbaine

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«Province» de Mathieu Gosselin: de la chair de gibier

«Province» de Mathieu Gosselin: de la chair de gibier

Publié le 26 avril 2012 par Justine Boutin-Bettez

Il y a 10 ans, la troupe du Théâtre de la Banquette arrière s’est propulsée et fait connaître grâce à Betty à la plage, pièce écrite par Christopher Durang et mise en scène par Patrice Dubois. C’est hier soir que les comédiens se sont produits sur la scène de La Licorne en interprétant la nouvelle création de Mathieu Gosselin, un fantastique tableau nous dévoilant dix protagonistes menacés par leur propre instinct de survie et leur immanente léthargie.

Province ne doit certainement pas faire partie de notre stratosphère. Par sa plume originale et originelle, le joyau de Mathieu Gosselin se taillera une place de choix dans le théâtre moderne québécois. C’est justement en essayant de deviner et de situer cette fameuse province qu’on pénètre entièrement dans la rêverie et l’abstraction. Cette abstraction, qui nous délie et qui nous désolidarise. Nous sommes ce qu’ils sont. Ils se présentent à nous, spectateur en sueur, en incarnant différents personnages québécois marqués par les affres d’une sous-culture, dans une société encline au déclin, marquée en son cœur par la violence de son histoire et de son présent. Une âme qui regarde son corps se faire «bouffer» par ce qui l’entoure… voici un théâtre naturaliste empreint de conventions!

«Dans le noir, je ne suis que de la viande invisible». Ces paroles, prononcées de la bouche du troublant personnage de la mère, qui abandonne ses trois enfants «dans une maison trouée à la tapisserie qui fait vomir» (description d’une maison de la province). Puits de lumière, le personnage de la maman se retrouve face à elle-même avec ce qu’elle était et ce qu’elle est devenue. Une mûre et douce réflexion dans les silences des personnages remplis d’intensité, de vérité, de justesse, un tout captivant pour le public. Ils se confrontent. Ils se découvrent. Ils militent dans une guerre qu’ils se sont affligée à eux-mêmes. Une guerre de mots, un texte truffé d’exactitudes sur les comportements aliénés et pathétiques que peuvent être ceux de l’humain.

Première mise en scène du talentueux Benoît Vermeulen, électrisante et dynamique, où les dix héros nous maintiennent en vie grâce à un rythme enchaîné à la fine pointe du joual! Chaque personnage était et devenait un animal au fur et à mesure que la pièce progressait. Mathieu Gosselin a écrit un texte à la fois riche, lyrique et exalté. En somme, une pièce nous offrant simplicité et créativité.

La pièce Province nous fait voir ce que nous étions autrefois et ce que nous sommes devenus.  Mais aussi ce que nous avons la chance de devenir…

Province est présentée à La Licorne du 24 avril au 12 mai 2012. Pour plus d’information, visitez le http://theatrelalicorne.com/lic_pieces/province.

Appréciation: ****

Crédit photo: Bruno Guérin

Écrit par: Justine Boutin-Bettez

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