«Pour un oui ou pour un non» au Théâtre Prospero – Bible urbaine

ThéâtreCritiques de théâtre

«Pour un oui ou pour un non» au Théâtre Prospero

«Pour un oui ou pour un non» au Théâtre Prospero

Rompre une amitié pour un différend, oui ou non?

Publié le 16 janvier 2013 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Marilène Bastien

Pour sa première pièce de l’auteure française d'origine russe Nathalie Sarraute, le Théâtre Prospero a décidé de présenter Pour un oui ou pour un non jusqu’au 9 février 2013. Avec Vincent Magnat et Marc Béland pour interpréter les mots et les silences lourds de sens écrits avec justesse par l’auteure en 1982, cette production du Théâtre Galiléo a tout pour réjouir l’amateur des mots et de l’introspection humaine. Elle n’en a cependant pas assez pour captiver les spectateurs moins aguerris, à la recherche d’une pièce de théâtre divertissante.

Il est vrai que la mise en scène de Christiane Pasquier est plutôt simple, quoique efficace. Si l’accent est mis sur le sens des mots et les non-dits, il va sans dire que les comédiens sur scène usent de peu de mouvements pour interagir. Un simple fauteuil, un peu en retrait et peu utilisé, puis de grands panneaux à l’arrière où sont projetées à quelques reprises des animations représentant Magnat et Béland dessinés par des traits grossiers: voilà de quoi est ornée la scène. C’est qu’on n’a nul besoin d’artifices pour faire passer le message de Sarraute. On a toutefois besoin de capter l’œil des spectateurs un minimum pour garder leur attention.

Parce que de l’attention, on en a besoin pour suivre la discussion – plutôt animée, malgré tout – des deux protagonistes. Alors que l’un reproche à l’autre de lui avoir parlé avec un ton qui lui a déplu, un ton lourd de sens, qu’on qualifiera de condescendant, l’autre se défend des intentions que lui prête son ami. L’homme d’affaires s’inquiète que son grand complice soit trop instable, trop malheureux, alors que l’artiste ne voit chez son camarade que supériorité et fierté. Mais le bonheur existe-t-il seulement si on rend les autres jaloux? Surtout, la véritable amitié est-elle possible entre deux êtres lorsque l’un a visiblement plus de succès que l’autre, du moins du point de vue de la société?

Ce sont ces interrogations que Nathalie Sarraute soulève dans Pour un oui ou pour un non, alors qu’un représentant de «ceux qui créent» et un de «ceux qui contemplent» se confrontent. Si la pièce de théâtre s’appuie carrément sur une dispute entre deux amis, il faut avouer que cela donne lieu à des performances de comédiens remarquables. Directeur artistique du Théâtre Galiléo, Vincent Magnat s’est sans doute attribué le rôle le plus intéressant, celui qui offre le plus d’envolées dramatiques et d’agitations. Le plus frustré, également, mais apte à reconnaître ses erreurs, ce que Magnat joue avec habileté. De son côté, Marc Béland n’a pas besoin de grandes répliques enflammées pour se démarquer. Celui qui est finalement – ironiquement – dans la contemplation et la réflexion par rapport aux paroles de son camarade, afin d’être apte à bien se défendre à l’aide d’arguments soutenus, crève la scène même en silence. Il faudrait également souligner la très – trop – brève apparition de François Trudel et de Julie St-Pierre sur scène, en voisins trop mal à l’aise pour trancher l’argument, ce qui offre une petite période comique à la pièce.

Un revirement de situation à la fin amuse et surprend, mais au final, il faut avouer que cette interprétation très littéraire de l’œuvre française de Nathalie Sarraute aurait pu être davantage adaptée pour le Québec. On aurait aisément pu utiliser un vocabulaire plus accessible et des accents qui sonnent moins faux chez Béland, un acteur bien de chez nous qui parle néanmoins très bien, assez bien, sans avoir besoin de le pousser à l’extrême. Cela aurait permis d’aller chercher un public plus vaste, qui n’aurait eu qu’à se concentrer sur la profondeur et le sens des mots, des reproches et des sous-entendus, plutôt qu’à en plus chercher à comprendre les expressions utilisées.

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début