«Pompières et pyromanes» du bureau de l’APA au Théâtre du Trident – Bible urbaine

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«Pompières et pyromanes» du bureau de l’APA au Théâtre du Trident

«Pompières et pyromanes» du bureau de l’APA au Théâtre du Trident

Réel ou symbolique, le feu ne doit pas être étouffé, mais bien apprivoisé

Publié le 28 novembre 2023 par Guy-Philippe Côté

Crédit photo : Stéphane Bourgeois

Je me souviens d’une époque pas si lointaine, en 2019, où la population s’était mobilisée pour l'action climatique. Juste à Montréal, 500 000 personnes sont descendues dans les rues de la métropole avec la ferme conviction de prendre en main notre futur. Parfois, je ferme les yeux et je repense à ces milliers d’étudiants et travailleurs qui ont marché devant le Parlement d’Ottawa (j’étudiais là-bas à l’époque). Ces combats menés par cette jeunesse ont tout de même forcé le gouvernement du Québec à déclarer l’état d’urgence climatique et à allouer une plus grande part de son budget aux luttes environnementales. On allait appeler 2020 l’année verte! Et puis, la pandémie est arrivée… C’est en septembre 2021, pendant une période d’accalmie, que Martine Delvaux («Ça aurait pu être un film», «Le boys club») écrit l'essai «Pompières et pyromanes». C’est ce texte que Le bureau de l’APA a mis en scène ces jours-ci au Théâtre du Trident.

Comment adapter un essai au théâtre ?

Parler du contenu de cette pièce est assez compliqué, puisque le matériel de base ne suit pas de ligne narrative à proprement parler: c’est tiré d’un essai.

Dans son livre, Martine Delvaux développe un discours pour sa fille, Éléonore Delvaux-Beaudoin. Elle avance l’idée que la charge de la diminution des feux dans la maison scandée par les Greta Thunberg de 2019 reposerait largement sur le dos des femmes.

Elle prend ici l’image des incendies de forêt qui s’accumule en raison des changements climatiques. Ce problème est mis en relief avec l’ancienne pratique de brûlage contrôlé de certaines nations autochtones. En effet, ces derniers provoquaient parfois des feux de forêt dans le but de réduire les combustibles naturels lorsque la terre s’asséchait trop pour ainsi libérer de l’espace afin que la forêt puisse prospérer en paix.

L’essayiste appelle donc les femmes à garder intacte la flamme de leur combat pour venir à bout des brasiers causés par ces changements climatiques. Elle somme ces dernières à poursuivre cette lutte au nom d’un amour radical pour les générations à venir.

Maintenant, comment transposer ce propos sur les planches d’un théâtre? N’en demandez pas plus à Laurence Brunelle-Côté, metteuse en scène de la pièce: elle prend les choses en main!

Photo: Stéphane Bourgeois

Que sauveriez-vous en premier lors d’un incendie ?

Le spectateur a accès dès le hall d’entrée franchi à l’exposition Kit de survie de Maggy Flynn (Truck you, Convoi). Ici, plusieurs photos montrent les kits de survie de plusieurs personnes à partir des objets de leur maison. À ces photos s’ajoute un petit stand. Les gens y inscrivent la première chose qu’ils sauveraient si leur résidence s’enflammait. Ils doivent, par après, expliquer leur raisonnement.

Lorsque le public entre dans la salle du Trident, une odeur de brûlis se fait sentir. Dès l’entrée, on remarque un énorme système de corde à linge qui va jusqu’au fond du côté cour. Des toasts calcinées sont suspendues sur l’étendoir.

La scénographie à laquelle est lié ce système de séchoir est sincèrement stupéfiante. C’est une réinterprétation de l’installation La source de l’ancien collectif BGL (Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière) par Jasmin Bilodeau, lui-même ex-B de BGL.

Photo: Stéphane Bourgeois

Sur le théâtre indiscipliné du bureau de l’APA

En ce qui a trait à la distribution, aucun acteur professionnel ne se retrouve sur scène!

Certes, tous les membres usuels du bureau de l’APA (Laurence Brunelle-Côté, Julie C. Delorme, Pascal Robitaille et Danya Ortmann) brillent par leur présence. À ceux-ci s’ajoute la fille de Martine Delvaux, Éléonore, la régisseuse Hélène Rhéault ainsi que la fille de Pascale Robitaille, Béatrice. Une interprète spécialisée en français LSQ offre également, sur scène, ses services pour les personnes malentendantes.

L’œuvre est dirigée par Laurence Brunelle-Côté. À son signal, chaque personne lit à voix haute un extrait du livre de Martine Delvaux. S’ensuivent des performances qui mettent en relief le passage récité.

Il en ressort une esthétique punk qui m’a fait penser à cette fougue no future des années 1990! Cela dit, le problème avec cette esthétique c’est lorsque les artistes tombent dans un pessimisme fataliste… À mon avis, beaucoup trop d’entre eux, dans les trente dernières années, ont créé des œuvres porteuses de messages qui s’apparentent à “Brûlons tout et après nous, le déluge”.

Photo: Stéphane Bourgeois

J’ai d’ailleurs eu l’impression que la pièce frôlait dangereusement ce pessimisme. Pendant la performance, Le bureau de l’APA a joué deux pièces punk de leur répertoire scandant la fin des temps. Je dois avouer que j’avais bien compris l’intention après la première chanson! Cependant, le retour constant aux paroles de Delvaux a ramené le spectateur à une figure qui m’émeut particulièrement, la tendresse au temps de la fin du monde.

Quand tout sombre autour de nous et que tout système de valeur et de signification tombe, comment continuer à aimer, à espérer et à tendre la main vers l’autre?

Que ce soit donc pour ces prouesses techniques ou le désir de retrouver un peu de sens en ces ères apocalyptiques, allez voir cette pièce pendant qu’il en est encore temps. Elle en vaut sincèrement la peine!

La pièce «Pompières et pyromanes» en images

Par Stéphane Bourgeois

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    Photo: Stéphane Bourgeois
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    Photo: Stéphane Bourgeois
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    Photo: Stéphane Bourgeois

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