ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Renaud Vinet-Houle
Le spectacle adapté et mis en scène par Ariel Ifergan est un rassemblement de tous les éléments qu’on vous apprend à l’école de théâtre lorsqu’est venu le fameux cours sur le théâtre épique et sur son fondateur, Bertolt Brecht.
Tout y est, l’effet de distanciation, la narration, les pancartes, l’implication du public, les tableaux scéniques, les blagues aux spectateurs, les paravents et les changements de costumes à vue… Seulement, c’est tellement didactique, tellement scolaire, qu’on a l’impression d’assister à un exercice de mise en scène durant lequel les étudiants doivent tout repenser à la manière brechtienne.
Deux cartons insérés dans le programme, un jaune et un rouge, permettent aux spectateurs de voter et d’influencer le cours du spectacle. C’est une belle idée qui aurait pu mener la proposition ailleurs, mais qui n’est pas assumée jusqu’au bout. Peu importe la couleur dominante des cartons levés à bout de bras des spectateurs prêts à jouer le jeu, le show suit son cours.
C’est une farce (plutôt plate) qui reflète le message du spectacle, très clair en l’occurrence: la politique suit son schéma propre. Mais, aurait-il été possible d’élaborer des scénarios alternatifs afin d’embrasser davantage ce côté «dont vous êtes le héros» et donner aux spectateurs la possibilité de changer le cours des événements, à l’instar de la réalité?
La pièce de Brecht était une métaphore de l’ascension d’Hitler. Écrite en 1958, quelques années seulement après la chute de l’empire Nazi, elle avait pour objectif de briser l’emprise que ce dernier exerçait encore sur une partie de la population. L’adaptation de la compagnie Pas de Panique manque de subtilité et rate plutôt sa cible si on la compare à l’impact social et politique que l’oeuvre originale a provoqué au moment de sa création.
L’ère politique actuelle n’est pas glorieuse, il y a matière à créer et surtout, à adapter une pièce comme celle de Brecht à notre époque, mais il aurait fallu rendre Arturo plus grotesque et lui donner des répliques courtes de 140 caractères seulement, plutôt que des rimes. Oui, les personnages parlent en rimes. Le texte et ses chansons (oui, il y a aussi des chansons!) ne vont pas en profondeur et ne démontrent que trop peu la personnalité tyrannique qu’Arturo doit posséder pour parvenir à ses fins.
La trame narrative découpée en deux univers parallèles, d’abord celui des comédiens s’apprêtant à présenter une pièce de Bertolt Brecht superposé à celui d’Arturo et de sa bande, crée quelques moments de confusion. Parfois, les comédiens sont une troupe de théâtre dirigée par un metteur en scène européen caricatural, à d’autres moments, ils sont les personnages de l’histoire et plus tard, ils jouent leur propre rôle, philosophant sur la taille du soleil et la probable fin de l’humanité.
Tous font ce qu’ils peuvent pour nous livrer la marchandise. Leur enthousiasme est réel et on a parfois l’envie de les suivre dans leur folie, mais c’est, hélas, trop peu pour réellement nous élever vers cette ascension promise qui s’avère plutôt décevante.
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Par Renaud Vinet-Houle
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