ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yanick Macdonald
Si l’on exclut le fait que le statut d’actrice-vedette au Québec ne génère pas les mêmes rapports au public qu’aux États-Unis (actrice-vedette de théâtre, de surcroit), l’histoire portée à l’écran par John Cassavetes dans les années 1970 paraît toujours pertinente et plausible. Si tout un chacun vit désormais, en partie du moins, dans et par le regard de l’autre, le risque de se voir définir par cet autre est d’autant plus grand pour les «vraies» personnalités publiques comme les acteurs.
Myrtle refuse d’endosser le sort que l’écrivaine de 15 ans son aînée a réservé à son personnage, Victoria. Cette lutte personnelle et artistique prend des proportions inattendues et démesurées lorsqu’une jeune fille meurt accidentellement à proximité du théâtre, quelques minutes à peine après avoir déclaré son admiration absolue à la star. Cet événement fortuit précipitera Myrtle dans une spirale schizophrénique, à laquelle le décor en panneaux pivotants répond magnifiquement, jouant tantôt de transparence, tantôt de reflets flous et de miroirs déformants (Pierre-Étienne Locas).
Sylvie Drapeau n’a pas été approchée pour le rôle, elle a pris part à l’élaboration du projet. C’est donc dire que ce rôle d’actrice qui dérape lui était tout naturellement dévolu. Fidèle à elle-même, elle joue à fond la carte qui la rend si singulière: des intonations théâtrales poussées à la limite de la vraisemblance, presque survoltées, superposées à une intensité ancrée comme on en voit peu. La mise en abyme lui impose toutefois une approche un peu différente dans les scènes de répétition où Victoria doit apparaître. Du coup, il est étonnant de voir que Victoria semble plus crédible que Myrtle.
Il faut dire que le metteur en scène Éric Jean et la dramaturge à l’adaptation Fanny Britt demandent beaucoup de foi et d’abandon au spectateur. Que Myrtle ait été bonne et belle, d’accord, c’est probable. Mais son charisme, son magnétisme, sa drôlerie, son esprit, bref ce qui faisait que tout le monde, spectateurs comme collègues, tous tombaient sous son charme, nous ne l’entrevoyons pas. À tour de rôle, tous les personnages nous en parlent, mais il nous faut les croire sur parole. C’est peut-être dans l’adaptation pour la scène que ce chaînon s’est perdu. Par souci d’éviter les longueurs de la version cinématographique originale probablement, Fanny Britt a peut-être condensé la matière à l’excès. Ce scénario qui ne montre pas le passé était compensé par une caméra accentuant le caractère psychologique du personnage et de son drame. Sur scène, le rythme soutenu des dialogues, la tension quasi permanente des situations, la musique appuyant les tableaux (Uberko), tout concourt à propulser ce train à grande vitesse vers la finale aussi étonnante que réjouissante. Le spectateur admire, mais n’a pas le temps d’être ému. Est-ce si important? Qui a dit qu’il fallait absolument être ému au théâtre? On aimerait quand même savourer un peu plus longuement.
Au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 27 septembre.
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de la rédaction