ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Alex Paillon
Ce film, Le secret d’Omi Mouna, existe réellement. Il a été présenté au festival Vues d’Afrique en 2016, et le voyage qui lui a permis d’exister sert ici de base au récit particulièrement déjanté qui nous est offert sous la forme d’un monologue partiellement improvisé. Car ce que l’on croit être au départ un témoignage un peu fantaisiste bascule carrément dans le fantastique après un préambule plus traditionnel.
Comment parvenir à captiver une audience avec une scène complètement nue, aucune musique et un seul interprète? C’est un secret particulièrement difficile à pénétrer, mais qui est inné pour El Gharbi, qui possède un talent de conteur stupéfiant et qui nous amène carrément avec lui, en Tunisie, presque cent ans dans le passé.
La force de l’évocation est déconcertante; avec une combinaison de gestes, de bruits et de voix, l’acteur parvient à nous transporter dans un autre monde en nous racontant une histoire qui nous enchante et nous horrifie. Il faut dire que certaines pratiques culturelles de 1920, telles que le troc d’une jeune fille contre un mulet, peuvent nous paraître quelque peu barbares si le contexte n’est pas expliqué.
On devient donc des témoins privilégiés de l’histoire de toute une (très longue) vie, des voyeurs devant un récit dans lequel la tradition, des fantômes et un voyage dans le temps sont habilement imbriqués. L’histoire captivante d’une femme qui a vécu plus longtemps que la plupart de ses enfants, d’une mère de famille que l’amour a motivé à continuer, malgré les nombreux obstacles. Un hommage imaginatif, original et très touchant de son petit-fils.
Le fait de s’insérer lui-même dans le récit et de nous transmettre ses émotions et ses réactions a une forte valeur ajoutée et transcende la simple collection d’anecdotes; le procédé est encore plus savoureux lorsque l’on sait que chaque représentation peut être différente, puisque l’acteur module et modifie le récit selon l’inspiration du moment en faisant une histoire évolutive pétrie de folklore et de détails fascinants.
Mohsen El Gharbi apparaît aussi dans le plus récent film de Noël Mitrani, Après-coup, aux côtés de Laurent Lucas, une œuvre qui a été présentée au Festival du nouveau cinéma cette année.
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Par Alex Paillon
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