«Ne m’oublie pas» dans une mise en scène de Frédéric Dubois chez DUCEPPE – Bible urbaine

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«Ne m’oublie pas» dans une mise en scène de Frédéric Dubois chez DUCEPPE

«Ne m’oublie pas» dans une mise en scène de Frédéric Dubois chez DUCEPPE

La difficulté de se sortir de la pénombre

Publié le 17 février 2017 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Caroline Laberge

Il y a de ces sujets importants, fascinants, qui méritent d’être mis sous les projecteurs. En écrivant sa pièce Ne m’oublie pas, le dramaturge australien Tom Holloway souhaitait faire connaître un pan d’histoire méconnu qui aurait dû marquer les annales du Canada, de l’Australie et, surtout, du Royaume-Uni. Le personnage d’Holloway présenté sur la scène du DUCEPPE jusqu’au 25 mars dans une mise en scène de Frédéric Dubois est inévitablement écorché en raison de son passé, mais malgré sa rage de connaître et de comprendre, il n’y a définitivement aucun éclairage apporté à cette histoire.

Gerry est pris. Pris dans une relation difficile avec Nathalie, sa fille avec qui il a de la difficulté à créer un lien de confiance et qui navigue entre l’amour et la haine pour son père, qu’elle va jusqu’à simplement appeler par son prénom. Pris dans une relation inexistante, mais souhaitée, avec sa mère, celle à qui on l’a ravi il y a 50 ans à Liverpool pour l’envoyer sans explication en Australie, où il vécut une vie d’esclave dans un orphelinat en pensant que sa mère était décédée. Tout cela fait aussi qu’il est pris avec lui-même, avec sa haine à son égard, son manque de fierté pour les actions qu’il pose et son manque de confiance en ses capacités d’être un bon père, un bon homme et un bon fils.

Constamment sur le qui-vive, sur la défensive et doutant de tout ce qu’on lui dit, comme un homme profondément blessé par certaines paroles prononcées dans son passé, le Gerry interprété par François Papineau est souvent enragé et tarde à enfin présenter des nuances dans ses émotions – et dans son jeu. Mais lorsque toute la psychologie du personnage est installée, Gerry, autant que Papineau, se déploie de très jolie façon et forme le roc, la base sur laquelle les autres personnages et interprètes peuvent s’appuyer pour s’élever.

Mais ça n’arrivera pas toujours. Le jeu des comédiens est inégal, et leurs dialogues souvent joués gros semblent constamment jurer. Est-ce que la traduction de Fanny Britt, dans un québécois très moderne – jurons inclus et nombreux –, qui nous fait perdre les facteurs culturels qui pourraient nous situer dans le Liverpool ou l’Australie où l’action prend place (mis à part le thé, abondamment mentionné et bu), aurait un rôle à jouer dans le fait qu’on ait de la difficulté à y croire?

Ou serait-ce plutôt ce texte, truffé de répliques sans fin, aux points de suspension comme principale ponctuation, laissant des phrases incomplètes? Même si on passe outre ces phrases trouées à compléter dans sa tête, on a de la difficulté à ne pas tiquer durant certains dialogues quand ces répliques non terminées sont faussement interrompues, sans conviction, avec un manque de timing qui enlève tout naturel à la discussion et qui fait trop sentir le texte derrière le jeu, appris par cœur et sans spontanéité.

La mise en scène sobre de Frédéric Dubois ne permet pas d’émerveillement particulier, et si les comédiens sont pour la plupart assez adroits – on trouve Louise Turcot par ailleurs plutôt touchante dans son rôle, et on croit au déchirement vécu –, c’est définitivement sur le texte que toute la pièce repose. Mais malgré l’intéressante chevauchée du présent et du futur dans les scènes montrées, permettant de déployer l’histoire habilement de façon plus originale que chronologiquement, si le matériel de base ne réussit pas à être livré de façon crédible, l’intérêt peut difficilement être conservé tout au long.

Ainsi, si la prémisse est intéressante, ce n’est pas dans Ne m’oublie pas qu’on aura réponse au pourquoi, au comment ni au quand ont eu lieu ces déracinements d’enfants britanniques, envoyés comme main d’œuvre pas chère dans les colonies anglaises, entre 1900 et 1968. Ces explications vous seront fournies dans le livret du spectacle, mais sur scène, on vous exposera davantage la difficulté d’entretenir une bonne relation avec ses enfants, malgré la noirceur du bagage que l’on porte. Pour le reste, on restera dans la pénombre comme Gerry.

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Par Caroline Laberge

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