ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Jean-François Gratton
Le récit raconté dans Moby Dick est fort simple; c’est celui d’un jeune désabusé qui s’embarque dans le Péquod, un baleinier, à la recherche de Moby Dick, une terrifiante baleine blanche. Et, si l’Homme est cupide, orgueilleux et détient une soif insatiable de vengeance, la Nature, quant à elle, a toujours le dernier mot. Cette métaphore, Melville l’a décrite en quelque 700 pages. Bryan Perro et Dominic Champagne, pour le format théâtral, en deux heures et trente minutes. C’est certes lent et long. Et, pour cause: la majorité du texte est composée de monologues. Certains échanges, rarement humoristiques, viennent dynamiser les interactions entre les personnages.
Est-ce l’adaptation ou la mise en scène qui posent problème? Un peu des deux. En vérité, le texte lyrique, recherché et philosophique qui est présenté au spectateur s’entremêle avec une mise en scène plus grande que nature et fort ambitieuse. L’attention des spectateurs n’est pas canalisée sur le propos, mais plutôt sur tous les autres détails de la mise en scène: jeux de lumière, projections, acrobaties, musique, etc. C’est dommage puisqu’à la toute fin, on ne se souvient que de la signature visuelle. Pourtant, ce n’est pas cela qui éveille le plus les consciences lors de la représentation.
Dominic Champagne a rassemblé une distribution pour le moins solide. Normand D’Amour, en capitaine Achab, est assez terrifiant. Il s’approprie à merveille ce personnage totalement rongé par l’amertume et le désir de vengeance. Steve Gagnon, en Ismaël, tire cependant moins bien son épingle du jeu. Sa livraison des monologues manque de vigueur, même qu’on décroche vite. En contrepartie, à plusieurs moments, Jean-François Casabonne soutire un sourire, voire un rire aux spectateurs. Son jeu est très réussi, et très rafraîchissant. Finalement, on découvre mieux le jeu de David Savard en seconde partie lorsque son personnage, Starbuck, devient plus émotif. Le comédien reste crédible et impressionnant.
La musique est constante tout au long de la pièce. Comme le mentionnait Dominic Champagne dans une entrevue accordée à Bible urbaine, «c’est du théâtre musical que l’on fait». Eh oui! Un groupe composé de quatre membres propose des effets sonores, des chants et une musique très dynamique. Tout cela amène une véritable valeur ajoutée à la mise en scène et à la traduction théâtrale de l’œuvre de Melville. Seul bémol, les cris aigus de la «sirène» Frédérike Bédard (la voix de la blancheur) deviennent lassants après deux heures. Mais pour les intéressés, un disque contenant l’enregistrement de toute la musique du spectacle est dès maintenant en vente et il en vaut la peine.
Une mention spéciale à la scénographie
La scénographie, confiée à Michel Crête (Cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Sochi, O du Cirque du Soleil et Besbouss autopsie d’un révolté), est époustouflante. Dès leur arrivée dans la salle, les spectateurs sont renversés par ce décor à la fois intrigant et déstabilisant. Puis, le résultat est probant. La scène s’avère merveilleusement bien habitée, et ce, grâce aux génies créateurs de Crête et Champagne.
La pièce Moby Dick, mise en scène par Dominic Champagne, sera présentée jusqu’au 17 octobre 2015 au Théâtre du Nouveau Monde (TNM). Par la suite, la production sera en tournée au Québec. Pour plus d’information, visitez le site Web du TNM. Par ailleurs, la bande sonore (Analekta) est en vente et regroupe la musique de Ludovic Bonnier. Finalement, l’adaptation de Bryan Perro et Dominic Champagne est disponible en version imprimée chez Perro Éditeur.
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