«Ménageries» de Jean-Philippe Baril Guérard: une satire sempiternelle se berçant dans les bras du réel – Bible urbaine

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«Ménageries» de Jean-Philippe Baril Guérard: une satire sempiternelle se berçant dans les bras du réel

«Ménageries» de Jean-Philippe Baril Guérard: une satire sempiternelle se berçant dans les bras du réel

Publié le 18 juillet 2012 par Justine Boutin-Bettez

C’est à la balustrade du Monument National qu’avait lieu cette semaine la première de la pièce Ménageries, mise en scène par Jean-Philippe Baril Guérard et présentée dans le cadre du Zoofest par la compagnie Théâtre en Petites Coupures. Ménageries, c’est un conte urbain réunissant quatre comédiens sur scène et qui nous galvanise de confidences, d’épanchements, d’aveux et de divulgations tordues.

Une lumière fleurissait au creuset de la balustrade, un reflet, une guitare aux empreintes de Romain Cavelier. Des bêtes se déshabillant aux moindres grincements de cils. Devant nous, la meute, Isabeau Blanche, Andrée-Anne Lacasse, David Strasbourg et Jean-Sébastien Lavoie nous racontent ses dérives et ses prises de conscience, en réminiscence avec ce conte urbain intitulé Ménageries. Un zoo de saindoux, un jardin plein d’ivresse défendue, un potager où les racines ressortent de partout! Pour tout dire, nous nous retrouvions en partage avec des personnages fumants au discours égorgeant de vérité. Baril Guérard s’en est donné à cœur joie dans les pleuvoir des sacres de notre précieux joual ecclésiastique. Nous étions trempés dans une baignoire de traumatisme et d’effervescence attablée. Santé au terroir québécois!

Droit devant, nous sommes à Moncton où un joueur de hockey d’une lignée importante est foudroyé par un coup de poing gravissime lorsqu’il couche avec une femme cagibi, mère d’un joueur de l’équipe adverse. «J’ai mis de la kétamine dans son Gatorade». Droit devant, À Saint-Hyacinthe, une femme «pas très belle, laide à vrai dire», apprend malencontreusement qu’un bain de minuit dans la rivière Yamaska peut être irrémédiablement dévastateur pour sa bicoque vaginale. Droit devant, dans le Village, un bear, un ours, voire un mammifère au pelage séropositif s’éprend d’un jeune adonis qu’il fera passer dans son clan. Puis, à Victoriaville, une licorne étudiante s’en prend avec allégresse et détermination à son antagoniste «Marilyn Morin, aux futurs seins double D», qui est barmaid vedette au bar le plus populaire de la ville, afin de tenter de sauver son couple.

La narration s’épanouissait et se mariait bien aux monologues des interprètes. Des jeux peints au cerceau individuel, entre quatre murs et quatre parties bien distinctes. En effet, dans ce récit imaginaire, la fiction étarquait la réalité. C’est sans bouée de sauvetage que les protagonistes nous parlaient, nous racontaient, nous touchaient. De par cette sensibilité accrue, leur gaîté sauvage était maîtrisée par la maturité et l’entité du théâtre sacré, une volte-face frémissante. Ils ont caracolé au vent théâtral une puissante singularité. Le sens de jouer, avec la nature jaillissant autour de nous, cette nature inassouvie. Baril Guérard a créé cette masse mouvante, une circonférence éprouvante qui ronronne à la détonation que la vie a soif, la vie a faim. De surcroît, c’est dans ce zèle libérateur que les comédiens nous ont attachés aux sièges avec le désir obscur, l’instinct obsédé, l’œil au vertige convaincu, que l’enchaînement de leurs métamorphoses n’avait ni début ni fin. Elle était. Un animal naît animal. Que dire de l’homme?

Le spectateur était confronté à ce portrait très révélateur d’un humain emporté par ses griffes intérieures et ses démons qui nous donnent l’impression d’être des papillons. À vrai dire, des pulsions étaient contenues, un sentiment à la disposition de l’inconscient, un magnétisme assaillant qui faisait surface. Il y avait là un rythme profond qui créait une quête, une réflexion, une résolution.

Sans aucun doute, Baril Guérard a pesé fort sur l’encre de la déchéance humaine. Graveleux et salace, Ménageries rend justice à ce que nous sommes au fond de nous-mêmes, mais à ce que nous n’osons jamais dévoiler au grand jour. Cette courte pièce, d’une durée de 60 minutes, est présentée du 15 au 24 juillet 2012 à la balustrade du Monument National.

Appréciation: ****

Crédit photo: Jean-Philippe Baril Guérard

Écrit par: Justine Boutin-Bettez

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